par @FrancoisChe
Le 14 juin 2007, Daft Punk transformait Bercy en discothèque géante

Ça s'est passé le 14 juin 2007, il y a 10 ans jour pour jour. Il y a ceux qui y étaient et les autres. Ils s'en voudront toute leur vie.
C'est un concert inoubliable. Un peu plus de un an après leur show mémorable à Coachella, Daft Punk récidivait à Bercy, le 14 juin 2007. Ce soir-là, les planètes se sont alignées, comme par magie. Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo étaient alors en pleine tournée Alive 2007, un tour du monde de 48 shows répartis sur les 5 continents. Mais cette date parisienne a une saveur particulière. Et pour cause : le duo casqué ne s'est pas produit dans sa ville natale depuis 10 ans, à l'époque d'Homework.
Game of Tron
C'est peu dire que les Daft sont attendus au tournant. Surtout après un album en demi-teinte (Human After All, sorti en 2005) sur lequel ils ont refusé de communiquer, échaudés par l'accueil mitigé de Discovery, 4 ans auparavant. Fallait pas les énerver… Il faut se souvenir que dans le contexte de 2007, à l'heure où Myspace est encore roi, la communication digitale en est à ses balbutiements. Ce n'est pas encore l'ère de l'instantanéité, de l'interaction en temps réel sur les réseaux sociaux… Et on sait finalement assez peu de choses sur ce que nous réservent les Daft, qui parviennent à entretenir le mystère. On a vaguement entendu parler d'une pyramide et d'un lightshow audacieux grace aux quelques chanceux qui étaient présents à Coachella…
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A Bercy, il règne une atmosphère électrique, cette ambiance des grands soirs. A l'extérieur de la salle, les stands de merchandising vendent des dizaines de tee-shirts floqués du logo pyramidal. On sent que ça peut-être « énorme » (oui, on disait ça en 2007), ne serait-ce que par l'accueil réservé par les fans français, après une décennie de silence. Encore faut-il confirmer. Et comme d'habitude, Daft Punk ne va rien faire comme les autres. Kavinsky et Sebastian assurent timidement la préchauffe, au milieu du public. Au bout d'une heure, le duo arrive sur scène et dévoile l'imposant décorum hyper techno.logique de la tournée Alive 2007, avec en fond sonore le thème mythique de Rencontres du troisième type, composé par John Williams. Le set-up est dantesque, d'une ambition folle. On se frotte les yeux pour y croire : les Daft sont là, enfin ! Thomas Bangalter et « Guy-Man » surplombent la fameuse pyramide, entourés d'un gigantesque mur de leds. Ils n'ont pas encore joué un morceau et les fans sont déjà littéralement scotchés. Quoiqu'il arrive, c'est du jamais vu.
Mais le véritable tour de force sera artistique. D'une audace comparable à Radiohead, lorsqu'en 2001, le groupe de rock britannique publia un album électro (Kid A) juste après son best-seller Ok Computer. Daft Punk aurait pu se contenter de jouer ses tubes de house filtrée. C'était trop simple, trop évident, trop facile. Les robots vont remixer entièrement leur discographie version « Live », en mélangeant avec une élégance imparable des tracks de leurs albums et labels respectifs, grâce au logiciel mis au point par Ableton. Dans le milieu électro, c'est une petite révolution. Dès les premières notes de Robot Rock, on sent que la soirée va être spéciale. Bercy va chavirer, se transformant en dancefloor géant. La faute à un tracklisting XXL qui ne sera qu'une succession de temps forts, de l'inaugural mashup Robot Rock / Oh Yeah à Superheroes / Human After All / Rock'n Roll, jusqu'au rappel en forme de climax, clin d'œil inévitable à Tron.
Génération YouTube
Ce soir-là, Daft Punk a mis KO l'assistance, y compris les plus sceptiques, grâce à ce show d'une intensité « révolutionnaire », selon les mots du journaliste Michaelangelo Matos dans le documentaire Unchained (2015). Et il sera visible dès le lendemain sur les plateformes de streaming. Sans le savoir, cette prestation du « duo casqué » allait devenir l'acte de naissance de la génération YouTube. Des centaines de fans munis des premiers smartphones (l'iPhone 1 sortira le 29 juin 2007) permettant d'enregistrer des vidéos publieront dans la foulée des pans entiers du concert. Ceux qui n'y étaient pas pourront (re)vivre l'instant. Le film The World is Daft qui compile des extraits, verra d'ailleurs le jour. Il sera sans doute à l'origine de nombreuses vocations, pour le meilleur (la nouvelle vague French Touch) et pour le pire (les shows pyrotechniques EDM).
Texte par François Chevalier