par @FrancoisChe
Ce jour où Dejan Bodiroga a humilié Carmelo Anthony

A l'heure où l'immense majorité des fans de basket n'ont d'yeux que pour la NBA, il est utile de rappeler qu'à une époque pas si lointaine (entre 2002 et 2006, une période que Jerry Colangelo a déjà oublié), d'autres nations — la Serbie, l'Argentine, l'Espagne, la Grèce… — ont dominé le basket mondial. Illustration avec une archive douloureuse pour les fans de Melo…
Il y a quelques mois, Basketball Tipoff publiait un mix de Dejan Bodiroga. Cette courte vidéo de 2 mns 30 compile quelques une des plus belles actions de la pépite serbe durant sa carrière. On y voit notamment la star de l'ex-Yougoslavie faire saigner du nez Carmelo Anthony sur deux mouvements dont il a le secret. Magie des internets, la vidéo a été largement partagée au moment de la date anniversaire de cette rencontre de préparation aux JO d'Athènes, qui a eu lieu le 7 août 2004 à Belgrade (le match est visible en intégralité ici).
Eurostep, Playmobil et feintes de shoot
Sur la première action, Bodiroga brise les chevilles de Melo avec un enchaînement dribble entre les jambes puis dans le dos suivi d'un Eurostep (appuis décalés). Sur la seconde, le Serbe ridiculise l'actuel ailier des Knicks avec une succession de feintes et un scoop shot près du cercle (la troisième action d'éclat du Serbe implique Richard Jefferson, mystifié comme un vulgaire Twix. Nous n'en parlerons pas ici par respect pour les proches de la victime). Certes, on peut arguer qu'il s'agissait simplement d'un match amical, que Carmelo était alors un jeune basketteur (20 ans) peu au fait des spécificités du contexte FIBA et en léger surpoids. On peut y voir aussi le reflet d'une Team USA mal préparée avec un Larry Brown trop sûr de ses systèmes, à quelques jours du fiasco olympique. D'ailleurs, les Américains atterrissent à Belgrade trois jours après une raclée contre l'Italie d'un Gianluca Basile chaud brûlant (25 points dont 7 tirs primés, le match est visible ici)
Si Petrovic était Mozart…
Cette séquence vidéo rappelle combien Bodiroga était un joueur génial, comme seule l'ex-Yougoslavie sait en produire. Fondamentaux irréprochables, mental de champion, science du jeu… L'idole du Panathinaïkos (puis du Barça) n'avait surtout pas peur des NBAers. En 2002, il s'essuyait déjà les mains dans la serviette de Reggie Miller en 1/4 de finale du Mondial d'Indianapolis. Si Petrovic est le Mozart du basket, Bodiroga était Franz Liszt, un virtuose du beau geste. D'un classicisme absolu, il pouvait humilier un adversaire avec sa technique hallucinante. Alors oui, Dejan évoluait plutôt au ras du sol et avait une coupe de cheveux de Playmobil mais sa maîtrise de l'Eurostep a donné le tournis à toute l'Europe du basket. C'était sa marque de fabrique.
Bodiroga, qui a pris sa retraite en 2007 avec un palmarès XXL (2 Coupes du monde, 3 Eurobasket, une médaille d'argent aux JO, 3 Euroleague…), est considéré comme l'un des plus grands joueurs de basket n'ayant jamais foulé un parquet NBA, au même titre qu'Oscar Schmidt. Il est sans doute le dernier athlète de ce calibre à avoir accompli toute sa carrière en Europe. L'artiste Milos Teodosic, qui a traversé l'Atlantique cet été, ne peut plus prétendre à ce titre officieux.
Texte par François Chevalier