par @FrancoisChe
The Brain, Cobra, Flying Dac… Quand les stars du basket français avaient des surnoms

De nos jours, le surnom est une espèce en voie de disparition. Mais dans les années 1980, les meilleurs basketteurs de Pro A jouaient sous pseudo. Héritée de la culture US, cette tradition évoque l'âge d'or du basket français des clubs.
« Le Cobra », « Silent assassin », « Trampoline », « The brain », « Apollo », « Le Blanc qui sautait par-dessus les buildings »… Si vous connaissez le basket français des années 1980/90, ces surnoms vous son familiers. A cette époque, que certains considèrent comme l’âge d’or de la Pro A (pardon de la Jeep Elite), la pratique est courante. Les meilleurs joueurs du championnat de France possèdent quasiment tous un pseudo : Richard Dacoury, Don Collins, Jim Bilba, Frédéric Forte, Michael Young, Serigne Cheikhou Faye, Hervé Dubuisson…
Une mode américaine
Pour le journaliste Pascal Legendre, qui a lancé le premier magazine indépendant spécialisé dans le basket en France (Maxi Basket en 1982), l’origine est évidente. « C’est une mode complètement américaine. Outre-Atlantique, les journalistes ont toujours eu beaucoup d’imagination. Il y a une culture du surnom aux Etats-Unis. Le plupart des joueurs NBA en avaient un. Avec Maxi Basket, on a participé à cette américanisation du basket, en racontant certaines choses qui existaient là-bas, ce qu’a fait George Eddy en même temps sur l'antenne de Canal+. »
Hérité des catégories de jeunes, des playgrounds ou tout simplement inventé par des journalistes, le surnom suit le basketteur américain durant toute sa carrière. Parmi le plus percutants : Darryl « Chocolate Thunder » Dawkins, Wilt « The Stilt » Chamberlain, Earvin « Magic » Johnson, Michael « Air » Jordan… La tradition traverse logiquement l’Atlantique. Dans le contexte du basket des années 1980, alors que la rivalité entre Pau et Limoges est à son apogée et que les clubs français trustent également des titres au plus haut niveau continental et sont invités par la NBA à participer au prestigieux Open Mc Donald's (voir la photo illustrant l'article, avec Magic Johnson et Frédéric Forte, en 1991 à Bercy), la Pro A — ex-Nationale 1A — suit le mouvement.
« Les choses ont réellement changé dans les années 1980 »
Pascal Legendre se souvient que c’est d'ailleurs Maxi Basket qui avait surnommé Richard Dacoury « le Dac » puis « Flying Dac », en référence au jeu très aérien du « Doc » Julius Erving. En revanche, c'est un officier de l'armée sénégalaise qui baptisa Serigne Cheikhou Faye « Apollo » à la suite d'un « rebond capté très haut au dessus du cercle », rapporte Basket Retro et c’est à un journaliste italien que Hervé Dubuisson doit son célèbre « Le Blanc qui saute par dessus les buildings » en 1980. L'anecdote fut racontée dans les colonnes de Basket Europe au sujet du premier Européen à avoir flirté avec la NBA. C'est aussi de l'autre côté des Alpes qu'Antoine Rigaudeau fut appelé « le Roi » lorsqu'il portait le maillot du Kinder Bologne à fin des années 1990.
« Quand on inventait un surnom, il avait tendance à être repris. Les choses ont changé dans les années 1980 quand Jean-Luc Thomas (ex-journaliste basket au Populaire du Centre — NDLR) est arrivé à L’Equipe, car avant lui, les journalistes n’étaient pas très branchés basket US. Jacques Monclar aussi a donné beaucoup de surnoms quand il commentait les matchs de basket français », précise Pascal Legendre.
« Il y a les gens nés dans une ville de Pro A et ceux qui n'y sont pas nés »
A l’époque, chaque équipe avait droit à deux joueurs étrangers pour compléter un roster largement composé de basketteurs nationaux. Les effectifs étaient plus stables, il était donc plus facile pour les supporters de s’identifier. Mais ça, c’était avant l’arrêt Bosman et l'internationalisation de la NBA… Ainsi, Frédéric Forte, l'ex-président du CSP Limoges brutalement disparu à la fin de l'année 2017, fut surnommé « The Brain » pour son intelligence de jeu au poste de meneur et aussi « AFP » par les journalistes pour sa fine capacité d'analyse après les matchs. Jim Bilba hérita de « Trampoline » pour sa détente verticale impressionnante dans ses jeunes années au Pitch Cholet. Yann Bonato était le « Capitaine Flam » du CSP pour son charisme et son leadership dans le triplé 2000 et aussi « la liane » pour sa légendaire souplesse dans son attaque du cercle. On pense aussi aux fameux « Cardiac kids » du Levallois post-Moustapha Sonko, une génération talentueuse menée par Vincent Masingue, Sacha Giffa, Fred NKembé… Comme nous l'ont astucieusement soufflé Syra Sylla (Lady Hoop) et Vincent Janssen (commission patrimoine de la FFBB) sur Twitter.
Concernant les Américains du championnat de France, Michael Young était le « silent assassin » du Limoges surpuissant coaché par le « sorcier » serbe Bozidar Maljkovic, un sobriquet qui colle parfaitement à la personnalité discrète de l'ex-gâchette de l'université de Houston. Mais notre préféré, c'est Don Collins aka « le Cobra », le scoreur diabolique du CSP période Michel Gomez entre 1988 et 1990. Un véritable poison pour les défenses adverses. C'est Jean-Luc Thomas qui avait trouvé ce surnom, en s'inspirant du boxeur Don Curry alias Lone Star Cobra
De nos jours, il n'y a guère que le tournoi international de streetball du Quai 54 et le Mondial de 3x3 organisé à Nantes en 2017 qui perpétuent la tradition du surnom sur le sol français, car à quelques exceptions près (Charles Kahudi, Ali Traoré, Amara Sy, Steed Tchicamboud…), elle a déserté les parquets professionnels. La faute sans doute à une Pro A moins attractive sportivement — les meilleurs Français sont en NBA ou en Euroligue, avec les autres Américains de top niveau — et médiatiquement, les 6 plus grandes agglomérations françaises n'ont pas de club engagé en Jeep Elite. « Il y a les gens nés dans une ville de Pro A et ceux qui n'y sont pas nés », conclut Pascal Legendre, avec un certain sens de la formule.
Les meilleurs surnoms des années 1980/90 : Serigne Cheikhou « Apollo » Faye, Frédéric « The Brain » Forte, Don « le Cobra » Collins, Jim « Trampoline » Bilba, Frédéric « Fredzilla » Weis, Hervé Dubuisson alias « Le Blanc qui sautait par-dessus les buildings », Yann Bonato aka « Capitaine Flam », Michael « Silent assassin » Young, Richard « Flying Dac » Young, Willie « Never nervous » Redden, les « Cardiac Kids » de Levallois…
De nos jours : Charles Kahudi aka « l’Homme », Amara « L'Amiral » Sy, Ali « Bomayé » Traoré, Steed Tchicamboud alias « L’escroc », Nicolas « Batman » Batum, Nando « Le moniteur » De Colo...
Texte de François Chevalier