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par @FrancoisChe

Pour l'éternité : il y a 25 ans, le Limoges CSP remportait le titre suprême

Pour l'éternité : il y a 25 ans, le Limoges CSP remportait le titre suprême

Que faisiez-vous le soir de la finale de coupe d'Europe des clubs champions entre Limoges et Trévise ? Ils avaient 4, 13 et 16 ans au moment du titre suprême du CSP le 15 avril 1993 à Athènes, il y a 25 ans jour pour jour. Historien, spécialiste ou journaliste, ils sont surtout tous les trois passionnés de basket français et marqués à vie par l'aventure limougeaude. Ils se souviennent, anecdotes à l'appui, de cette soirée unique où 7 millions de téléspectateurs français ont vibré pour du basket sur une chaîne publique.

Hugues Blondeau : « Je jouais au football avec un t-shirt de mon équipe préférée : le CSP »

« Ce 15 avril 1993, j'avais 4 ans. Mon père, cadre dans l'industrie française, expatrié au Brésil, avait suivi le dernier quart-temps de la finale à distance, au téléphone par l'intermédiaire de mon grand-père, à plus de 10 000 kilomètres de la finale d'anthologie de la Coupe d'Europe des Clubs Champions. J'imagine l'angoisse et l'excitation qu'ils ont vécu avec ce simple moyen de communication. À ce moment, j'ignorais tout ou presque du retentissant exploit réalisé par le Limoges Cercle Saint-Pierre, appelé plus communément le « CSP ». Ce n'est que quelques mois après la consécration du Cercle que j'avais appris que Limoges avait réalisé « quelque chose » d'extraordinaire puisque mon père au cours des vacances d'été 1993, avait ramené des posters titrant : « Limoges CSP – Champion d'Europe ». Ils étaient placardés dans notre chambre [celle de mon frère et moi]. Durant, cette année 1993, comme tous les enfants brésiliens, je jouais au football avec un t-shirt de mon équipe préférée qui n'était pas le Flamengo, le Vasco de Gama, Fluminense ou encore le Botafogo... mais bien le Limoges CSP, le « middle of nowhere » du Monde. Sans avoir vu les images de la finale, je connaissais déjà certains noms de l'équipe dont Young, Dacoury, Zdovc, Butter, M'Bahia et Forte bien évidemment grâce à une interception furtive sur le géant Toni Kukoc, celle qui permit au CSP de rentrer définitivement dans la « Grande Histoire » du sport français.

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Pour moi, l'interception de Frédéric Forte reflète l'épopée européenne du Limoges CSP. Personne ne donnait gagnant le Limoges CSP en finale, personne ne les attendait à ce niveau de la compétition et pourtant ils sont parvenus à réaliser l'impossible. J'ai vu le replay de cette action, 7 ans plus tard, sur une cassette éditée spécialement par la chaîne de télévision régionale, France 3 Limousin. A jamais les premiers.

Fondateur du site Mon Ballon Orange, historien officieux du Limoges CSP, Hugues Blondeau est un spécialiste du basket limousin.

Frank Cambus : « J’ai commencé à suivre le basket européen suite à ce sacre » 

J’étais ce soir-là avec mes parents, j’avais 16 ans. Comme tous les jeudis soir, on attendait la diffusion hebdomadaire d’Envoyé Spécial que nous regardions ensemble. Je ne savais pas encore que l’émission avait été déprogrammée pour laisser place à la finale contre Trévise, et autant dire que j’avais été ravi de cette initiative de France Télévisions ! Mes parents moins, du coup. A cette époque, j’étais encore novice dans le basket, que je découvrais suite à l’effet Dream Team, mais j’avais vu quelques matchs de Limoges en championnat de France, et les joueurs commençaient à m’être familiers. J’ai vibré tout le long de la rencontre, en espérant la victoire du CSP face à la bande à Kukoc, je me suis émerveillé devant les qualités de shooteur de Michael Young, devant la défense de Richard Dacoury, la verticalité de Jim Bilba, la science du jeu de Jurij Zdovc… Lorsque la fin du match arrive, je me souviens être en stress, si Toni Kukoc a la balle entre les mains, c’est sûr qu’il sera capable de retourner le cours du match. Ce joueur est hors du commun.

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Et il l’a, le ballon, justement… Lorsque Fred Forte change sur l’écran et s’empare du ballon dans ses mains, je ressens comme une délivrance, un soulagement. J’ai vraiment vibré depuis mon canapé. C’est aussi une action improbable : le « petit » Forte qui domine le « grand » Kukoc. J’ai savouré la victoire du CSP, et j’ai vraiment commencé à suivre le basket européen suite à ce sacre. C’est d’ailleurs au mois de mai 1993 que j’ai acheté mon premier Maxi Basket, avec Limoges en couverture. L’interception de Forte est l’un des éléments fondateurs qui m’a fait admirer le basket.

Fondateur du site Hoop Diary, Frank Cambus est un rédacteur passionné, spécialiste de l'histoire du basket toulousain.

François Chevalier : « J'ai passé toute la rencontre en apnée »

Je me souviens parfaitement de cette soirée du 15 avril 1993. J'avais 13 ans. Frustré d'avoir suivi deux jours auparavant la demi-finale à la radio (avec les excellents commentaires néanmoins de Jean-François Maison aka The Voice) car le match n'était diffusé qu'en différé sur FR3 le soir, je priais pour que la finale soit retransmise en direct. Il y avait une incertitude (ce qui parait fou rétrospectivement), à cause de l'horaire de ce fichu journal télévisé. Et puis Gérard Holtz annonça la bonne nouvelle en fin de journée. Du coup, impossible de rater LE match. J'ai regardé la finale avec mon père qui n'était pas un passionné de basket mais à l'époque, nous habitions à Brive, à moins de 100 kilomètres de Limoges (ma ville de naissance). Ce soir là, je pense que tous les Limousins étaient devant leur écran pour regarder le CSP. C'est la première fois que je vibrais pour du basket, sport que j'avais démarré un an auparavant, piqué par le virus Dream Team, comme la moitié de mes potes. J'ai passé toute la rencontre en apnée.

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La dramaturgie était à son comble. Limoges affrontait l'une des meilleures équipes d'Europe, drivée par la superstar Toni Kukoc (son salaire équivalait à la masse salariale mensuelle des 10 joueurs du CSP !). Mais il y avait aussi un ex-Laker pas manchot (Teagle) et des internationaux italiens comme Rusconi. Maljkovic et Skansi se sont livrés une véritable partie d'échecs, un remake du duel Karpov-Kasparov en version yougoslave ! C'était du « basket d'intello », comme me le racontait très justement Johan Hufnagel récemment, un basket stratégique qui utilise au mieux les qualités de chacun, un basket qui gagne. Au moment de l'interception de Forte, j'ai sauté de mon canapé et je pense que j'ai crié tellement fort que j'ai du réveiller mes soeurs qui dormaient. Ce match était tellement verrouillé, irrespirable… Et en même temps, on sentait que psychologiquement et physiquement, le CSP prenait le dessus. Cette équipe était tellement forte. Mais il faut se souvenir qu'à l'époque les Français perdaient toujours à la fin. Au terme d'un scénario hitchcockien, je me souviens de voir Richard Dacoury soulever ce petit trophée assez moche… en me demandant si c'était le bon. Et puis le DJ s'était planté en envoyant The Show Must Go On à la place de We Are The Champions

Quand j'y repense, j'ai eu beaucoup de chance de connaître le basket à cette époque. C'était à la fois l'âge d'or de la NBA (avec l'avènement de Jordan) et des clubs français (avec le titre du CSP). Sans oublier la folie des playgrounds. A partir de là, j'ai toujours préservé cette double « culture » NBA/Euroligue, avec un faible pour la tradition du jeu à l'européenne. Le sorcier Maljkovic était passé par là.

François Chevalier est journaliste à Télérama, cofondateur du web magazine Street Tease. Né à Limoges, atteint du syndrome CSP depuis le début des années 1990.

Propos recueillis par François Chevalier