Ocean bitch !

par Schmitto

Mais c'est mieux qu'une pipe ! Tel fut le slogan de nos retrouvailles. Oui oui, la petite est revenu, on s'est vu hier soir, et la vie a pris le dessus sur le post prévu. Ben wai, depuis le premier juillet je m'étais imposé un post/ jour, mais hier j'ai zappé. Schmittopenbar attitude, j'ai ridé toute la nuit la plus belle de mes histoires d'amour platonique, enfin, depuis le CE2 et Nathalie Fernandez. Bon, sinon, j'avais ds l'id de poster about that :

Ta vu ce visuel de ouf ! Quoi ? Tu connais pas l'original ? The endless summer, le surf movie de ma vie ! J'ai demandé a mon pote Laps de transformer le truc en "The endless blogger". Et bang, vlà la tuerie. Ce mec est tellement fort qu'il surfe tous les jours. Double thanx bro. Cette thema "endless summer", m'a direct fait replonger en mode southern california; la ou il ne pleut jamais. Alors pour combler mon absence de post d'hier, rester ds l'altruisme, et à fond de endless shits, vlà l'intégrale de mon book. Et la, bang, je crois bien faire pt le post le plus long de l'histoire de ce summer of blog. Ride on !

C’est avec un appareil numérique taxé à mon petit cousin, un smile permanent scotché sur la face, et mon fucking french accent, que j'ai ridé le sud de la Californie à la quête du Saint-Cool. En samplant la pensée de Norman Mailer j'ai rencontré des white niggers. Non pas des wiggers, les blancs singeant les hip-hopers blacks, mais de ces Américains ayant décidé de vivre différemment, des enjambeurs de règles évoluant souvent dans la marge et considérés pour cela comme des nègres blancs par l’Amérique bien pensante. J’ai passé une semaine à déchiffrer la grammaire de ces sociotypes typically Americans. Moitié losers, moitié winners, d'autres les appellent aussi “beautiful losers”.

Je suis arrivé à “l'Ocean Beach Hostel” après trois nuits passées en mode Gonzo au “W hotel” de downtown San Diego. Vlà le grand écart ! Ou comment passer d’un design hotel à 250 dolls la nuit à une auberge de jeunesse à 20 dollars la night. Cette grosse différence, c'est le prix de mon indépendance. Nan, je déconne pas, le plan chouette hotel chic c’était un voyage de presse aux frais d’une big compagnie de jeux vidéos, le genre à inviter cinquante journalistes venus des quatre coins du monde pour le lancement d’un nouveau titre à San Diego. Après avoir “couvert” l'évènement – et largement abusé de cet univers pré-payé-surbalisé – ne me restait plus qu’à décaler mon billet de retour pour 100 de mes $$$. Soit un bonus de dix jours pour découvrir ma terre promise en toute liberté, by myself. Yes, i do love America. Depuis tout kid, je suis fasciné par l'Amérique et ses contre-cultures. Après plusieurs reportages dans les ghettos black de Chicago, Detroit, Houston ou encore Baltimore, je me retrouve pour la première fois en Californie. Située tout en bas de la côte ouest, San Diego est la deuxième ville de l'état, la huitième du pays. À 20 minutes du centre, collé au Pacifique, Ocean Beach est un ancien bastion hippie au même titre que le Haight-hasbury du San Francisco des sixties. Très loin de l’Amérique de Bush et de la Californie de Schwarzenegger, OB est un petit îlot de liberté au royaume du grand n’importe quoi. À Obi, comme disent mes copains Cainri, le “California dream” existe encore. C'est un paradis pour le surf et le skate. Le climat est magique. La différence est la bienvenue. Il est possible d'y vivre pour quelques dollars la semaine. Sans oublier la proximité de la frontière mexicaine… Si tu vois ce que je veux dire. Du coup, les ambassadeurs des différentes tribus de l’underground américain se croisent dans la rue principale, stylés à faire se pendre de jalousie une rédactrice de mode de chez ID. Chaque famille à son propre look, son propre langage, ses drogues... Bref, un folklore très éloigné des dress codes livrés avec attitude par l'industrie du prêt-à-poser. Et bien que ces nu-freaks ne partagent pas de signe distinctif comme les freaks des sixties le port ostentatoire des cheveux longs, ils ont un même héritage en commun : l’ouverture d'esprit. À OB, il n'y a pas de haters. Ici, on est real, entier en VF, et bien qu'à fond dans son kiff, hardcore to the bone en VO, on ne juge pas l’autre sur son apparence. Come as you are, comme dit la chanson.

Mon pote Pédro m’avait prévenu : à l’heure du couché du soleil, les locaux les plus dingues ont pour habitude de squatter la plage et d’applaudir le truc. Fuck. Je me réveille le soleil déjà couché. Pas grave, les kids d’ici sont à fond de feux de plage, soit un phare idéal dans la nuit pour trouver every kinda chéper en pleine activité : drinking beer, smoking weed, et roulage de pelle occasionnel. Un jeune local me dit avoir pris un trip ce soir car il a un cours d’astronomie demain. À la recherche d’un dérapage cosmique… Yeah, 40 ans après le summer of love, le LSD reste omniprésent en Cali.

- Put your Vans off.

Le kid m’invite à retirer mes shoes pour capter l'énergie locale, les positives vibrations de la Southern California. Sur ses indications, j'enfouis mes pieds dans le sable. Bang ! Et bang ! Ou la sensation géniale de pénétrer deux petits vagins jumeaux. C’est frais et c'est chaud à la fois. Life is a beach, not a bitch ! Et vlà que l'astro kid me fait tourner deux grosses lattes de california weed. Tu seras pop comme un chocopop, qu’il me dit. Puff Puff Pass, c'est comme ça que ça se passe et... Transformation radicale de l'humeur : je me souviens des paroles de Peter Pan : aies des pensées heureuses, elles t'emporteront dans les airs. Ride on, trop je me sens from OB, baby ! Mais attend : le kid a matché son tee-shirt avec son sac de beu ! Ici, même les pochons sont lookés en mode all over, celui dans sa main est recouvert d'un imprimé diablotin.

- Put your vans on.

Je remets mes shoes pour aider l'astro kid à pécho des bières au 7/Eleven du coin. Une vraie galère à son âge en Californie. La loi est appliquée à la lettre. Le gros bad pour les teens, c'est les 21 ans et le 2 a.m. Pas de vente d'alcool après 2 heures du mat’. Pas d'alcool en dessous de 21 ans. Et quel que soit ton âge, interdiction de boire dans la rue. La parade, c’est les fameux paper bags. Bien cool pour le folklore à la télé, mais bien lourd dans la real life : imagine le gâchis, tu dois balancer ta canette de bière over sizée de deux litres au passage de la moindre voiture de flics. “Five-o, five-o”, tel est le signal que les gars de la rue ont emprunté aux codes radio de la police pour prévenir leurs potes de son arrivée. Notre “22 ! Vlà les flics” remixé en “5-0 ! Watch the cops”.

De retour sur la plage, je me retrouve face à un putain de punk rocker sur-crêté. Riley a quitté sa copine et Memphis pour venir squatter la plage d’OB en perfecto. Ce mec est l'incarnation vivante du punk rock américain, longtemps centre opérationnel de la contre-culture US. Riley ou la quintessence du Do It Yourself, fais-le toi-même. Fasciné par les kilts, mais trop reuch pour son budget de mec qui ne veut pas travailler, hey ho, let’s go, il m’explique s'en être fait un avec son tee-shirt préféré des Ramones. Pour les tatoos, ceux sur sa main gauche ont été faits par sa main droite, et inversement.

- Pimp yourself, bitch !

Pour Riley, le seul problème en Cali, c’est les skinheads. Ils ont de l’argent, des armes et des racines très profondes au pays du KKK. White Aryan Resistance, Nazi Low riders, the “Brandenburg Division” of Aryan Nations… Les gangs ultra racistes sont nombreux et cette merde se conjugue même au féminin avec les “Women for Aryan Unity”. Pire que les Blacks ou les Mexicains, les skins U.S ont une une haine profonde pour les white niggers, ces blancs ayant un mode de vie alternatif. Une nuit, un pote crêté de Riley dormait dans un sac de couchage près de l'un des nombreux feux allumés sur la plage. Les mother fucking skinheads l'y ont jeté encore dans son sleeping bag.

L'autre gros bad à OB me raconte Riley, c'est les tweekers. Des toxs d'un nouveau genre, plus chelous qu'un weirdo. Vlà les kiffeurs de crystal meth, de super speed, de methamphétamine. Un truc facile à fabriquer, inventé par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale, l'idéal pour prendre 10 ans en 10 semaines de conso. C’est le nouveau crack aux U.S.A. Encore un coup de la C.I.A ou quoi ? Une nouvelle arme psycho-chimique pour réduire à néant toute forme de consciousness. Mais que fait la résistance ?

Moi, je retourne au camp de base, l'Ocean Beach Hostel, un chaos organisé pour l'International des back packers un brin barrés. De jour comme de nuit, tu trouveras toujours quelqu'un avec qui squatter le stoop, ces quelques marches reliant les maisons à la rue, un truc typique de l'Amérique. Le stoop, c'est le bon spot pour écumer bières, spliffs et... parts de pizzas. Je me retrouve sur celui de l'hôtel avec un surfeur psychédélique, un crew d'Irlandais, et une Canadienne venue de Vancouver à vélo. La meuf se balade avec son ass donut, une petite bouée qu'elle se cale sous les fesses, suite a une fracture du coxis. On crève la dalle, et truc de ouf : se pointe un pizza boy. Il est 3 heures du mat’ et personne n'a passé de commande. Il a pourtant de méga slices de toutes sortes dans ses maxis boîtes.

-What’s your flavor, peperoni ?

Et pour 1 dollar, tu te retrouves avec de quoi nourrir une famille mexicaine pour une semaine. Trop bien l'Amérique ! Je me dis qu'ils ont poussé cette notion de service à un tel niveau que maintenant ils en sont à anticiper sur ton désir. Nan, amphet, celui que j'ai pris pour le superman de la pizza, n'est autre que le pizzaïolo du corner. À la fermeture, il a pris l'habitude de dealer les invendus sur son chemin de retour. Ride on, pizza boy.

Le deuxième soir, Oaktree était le seul black de toute la plage. Checkance de hands session. À fond de ghetto culture, je voulais absolument découvrir de quelles façons paumes de mains et poings fermés se rencontrent dans son hood de South Carolina. Après m’avoir fait expérimenter des positions de doigts insoupçonnées par mes mains de whitee, Oaktree me présente AJ.

Un pur look de street geek, il paraît que c'est le nu-chic aux Etats-Unis. Alors qu’il était sur le point de se faire interner dans un hôpital psychiatrique de son Colorado natal, ce kid de 18 ans a pris la fuite pour OB. Il me raconte être père de trois enfants !

Ocean beach est un point de ralliement pour les paumés de l’Amérique. Si tu n’as pas de quoi te payer une chambre pour la nuit, il te reste la plage. Le long d’un petit muret, les beach bums font la loi. Ces mecs sont des clochards des plages, des homeless, des sans-domicile préférant se fixer sur une plage plutôt que sur le trottoir d'un downtown. Si beaucoup choisissent cette vie sous influence “Endless summer”, d’autres comme AJ ou Oakthree se retrouvent sur la plage parce qu'à la rue.

Oaktree s'est fait dépouillé de tous ses $$$ par deux toxs à la descente de son bus à downtown. Loser comme un Peter Parker, il venait d’arriver à Diego, lui aussi à la recherche du California dream. Après quelques bières et moult combinaisons de doigts, il me présente son autre beach mate. Indio est un natural born Indian, a real American, un Indien quoi ! Originaire du Texas, il s’est retrouvé à la rue après son divorce et le chômage qui s’en est suivi. Son grand kiff : crier ! Des putains d’hurlements d’animaux qu’il pousse aux quatre coins d'OB. Oaktree m’explique que tu n'as pas besoin d’avoir de cellphone quand t'es pote avec ce gars : il sait toujours où tu es et comment te rejoindre dans l’instant. Faut dire, OB c’est petit ! Alors va savoir si Indio a la vision de l’aigle en vol à la Castaneda, mais en tout cas, ce soir-là, il m'a fait découvrir la façon la plus rapide de boire une bière. Shot-gun dans ma tête. Me vlà en plein college movie. Prenez une cannette de 33 ou de 50 cl, pratiquez un trou dans sa partie basse, placez votre bouche sur le trou. Ouvrez la cannette et tétez, tétez, tétez à la manière d'un biberon, la pression dés l'ouverture vous y oblige. Tétez, tétez encore. Entre 5 pour les biéreux, et 35 secondes pour les pussies, vous venez de Shot-guner votre first beer. Gros gros rot et c'est retipar.

- Are you a real beer guy ?

Les locaux ont voulu me tester a ce stoooopid game, moi le frenchy ! Je les ai tués one by one, real talk. Ils ne pouvaient pas savoir que j’ai fait 2 saisons chez Radio Nova, bordel ! Même ce gars aux gros bras de Liverpool, gérant d'une auberge de jeunesse à Vegas, je l'ai killé. J'ai fini sur le dos de big chief, un trés gros Indien de 2 mètres, en lui slapant le cul tout en braillant des big-booty-bitch !

Après 3 jours à OB, mon principal problème s’est avéré être les deux heures nécessaires pour faire 20 mètres dans la rue principale. Le OB people est tellement varié et facile d’accès que tu passes ton temps à tchatcher. Et y’à de quoi faire avec un peu plus de 12 000 habitants pour ce beach village qui a très peu changé de gueule depuis les sixties. Une véritable communauté fondée sous le signe du Cool. Contrairement au modèle urbain exporté à travers le monde par l'Amérique, OB est une ville walkable. Rare aux U.S : un spot qui n'a pas été pensé pour les caisses. La rue principale devient d'ailleurs régulièrement piétonne pour accueillir marchés bios et freaks parades. Ici, la majorité des commerces est encore indépendante. Ni Gap, ni Mac Do, ou autres représentants du monde globalisé. Seul un starbeuuurrk est parvenu à s'installer en 2001 après une virulente campagne des anti. On trouve encore, dans certains shops à la cool, de vieux autocollants bien collants : “No Corporate Whores On OB Shores”.

- We are inde as fuck !

Rebelles mais citoyens. Vlà un petit village aux habitants irréductiblement indociles ayant le plus grand pourcentage d'inscrits au green party des Etats-unis. Le OB people est top counscious. La vie associative y est surdéveloppée : de l'organisation de l'aide aux sans abris à celui du nettoyage de la plage réservée aux chiens. Tout ça fait furieusement ressembler OB au Q.G de la résistance mondiale au modèle dominant. Un Eldorado pour les alternos.

Et ne viens pas me dire que la contre-culture est devenue culture de masse et blablabla récupération et blablabla marchandisation. Mais Fuck you ! Les hobos, les travellers des rails, se posent parfois quelques jours à OB. Le kiff de ces nomades n’est pas la techno ou les drogues hardcore, mais l’amour des grands espaces. Depuis que le chemin de fer existe aux Etats-Unis, les plus pauvres ont pour habitude de voyager d’une ville à l’autre en attrapant les trains de marchandises en marche. Par nécessité à l’origine, c’est désormais pour le plaisir que certains continuent à voyager ainsi. Beatnik attitude, c’est le On The Road de Kerouac remixé en “On the track”. Les clochards célestes du troisième millénaire pratiquent le train hopping.

- I'm just like another fucking punk.

C'est comme ça que se présente Matt. Il n'y a pourtant pas si longtemps, il était encore un candy raver, membre actif de cette drôle de race de teufeurs nord-américains aux pantalons over baggy, portants bracelets et colliers multicolores qu’ils s’échangent entre friends tout en gobant les ecstasys par 12. Le mouvement candy ravers est un refuge pour les pas populaires au lycée, les traumas du cercle familial. Ces kids sont tellement extrêmes que lorsqu'ils roulent un joint, c'est en mélangeant leur super super skunk à l’une des drogues les plus puissantes, le PCP. Ça s'appelle fried, comme frit, comme l'effet que ça fait sur le cerveau. Matt s'en est sorti pour devenir cet espèce de punk propre arborant tous les stigmates de la rébellion à l'Anglaise : patch lower class bastard, dock marteens et coiffure à pousser un tecktonik à se raser le crâne.

Avec trois générations de hippies en Californie, la religion du “be yourself” s'est aussi transmise de mère en fille. À dix mille années textiles des looks H&Misé de l'ado mondial, à OB, pour les filles aussi tout est permis. Vanessa (page ???) avait les cheveux longs jusqu'aux fesses deux semaines avant mon arrivée. Juste après la naissance de son fils, la jeune maman de 19 ans a craqué pour une Mowak en VO, une putain de crête de keupon en cé-fran. Imagine l'effet dans le resto végétarien ou elle taffe. Zéro problème à OB, come as you are, comme je te l'ai déjà dit, c'est la bande son idéale du spot.

La so cute petite meuf de la PAGE ?? était devant moi dans la queue du 7 /Eleven. Trop belle. Original Vans aux pieds, celles avec lesquelles les gamins de Dogtown ont inventé le skate moderne, il y a 30 ans. Top de maillot en mode all over de chez Paul Franck, et un rien de rocab’ dans la coiffure, aïe, c'est minimal et ça fait mal.

La même formule pour la ginger girl qui lui fait face PAGE ?? , avec ce truc en plus, cette capacité surdéveloppée chez les ricains à matcher en toute simplicité, à faire péter mes codes couleurs préférés, des tenues de Bmx À celles de basket. Franchement, même si ça n'est que pour leur look, we have to save the cheerleaders.

Hippie hippie yeah, je me balade pieds nus depuis 5 jours. I got no shoes. Aucune importance, je m'en balance. Ça y est, j'ai retrouvé cette bonne vieille sensation du wow super, fini les bouhouhous : je suis heureux, bronzé, optimiste, et je n'ai pas pris l'international sur mon portable. Je suis donc seul dans ce nouveau monde. Et ça a le goût de la liberté, bébé. California dream. Peace and love. Le seul bad, c'est que ça a un prix : je n'ai plus que 50 dolls en poche et me rapproche dangereusement du niveau de vie de mes potes des plages. En fait, et pas amphet, y’à un autre bad : j'attends un appel de Paris and i got no phone. J'ai des directs à faire sur Radio Nova et vu que je ne sais déjà pas l'heure et la date d'ici, alors là-bas... Thanx god, y'a au moins un demi-dieu Ricain pour moi, j'ai une ligne. Le côté old school d'OB fait qu'il y a encore moult téléphones publics. C'est donc en mode “phone game” que j'en squatte un en pariant sur la bonne heure pour l'appel d'Aline. J'ai collé la cabine devant le pier, la putain de jetée typique de la carte postale californienne. Pour me la jouer guide touristique en attendant l'appel de BoogAline, je pourrais vous dire que le pier d'OB est le plus long de la côte ouest, que c'est un kiff pour les surfeurs de jour, de nuit pour les pêcheurs, et à toute heure pour les branleurs. Une bière, deux bières, et toujours pas d'appel. Je mate les Bay-Watchers et leurs petites planches rouges. Hé ouais, certains des clichés de la Californie sont bien réels, mais Ocean Beach en a peu en commun avec les plages de Malibu ou Venice. Ici, peu de corps bodybuildés ou siliconés. En revanche, tout le monde est tatoué, se balade en plus ou moins long-board de skate, avec une plus ou moins short-board de surf sous le bras. Trois bières. Quatre bières. J’suis pas à l’heure. Pas de yoho c’est schmitto. Elle n’appellera pas. J'ai besoin du net pour convenir d'un nouveau rendez-vous. Galère. Loin d'un San Francisco sans fil, à OB, c'est comme à Dijon. Pire, y’à même pas de cyber café. Heureusement, le Mama coffee-shop est là. Collé à l'auberge, c'est un dinner tenu par une original hippie from the very beginning : Mama. Et elle a le wi-fi.

- « Water fall » is the key word.

T'as vu le mot de passe ? Rencard donné sur Nova pour demain matin 9h pour ma gueule, il sera 19 h pour la leur, euh nan,18 heuuuureu.... Whateveur, comment veux-tu que je sois à l'heure, i got no watch. En tout cas, merci Mama, en plus de tes bagels à la dinde de dingue, pour m'avoir tartiné mes coups de soleil avec tes remèdes home made.

Chaque soir, ma fibre Larry Clarkienne me poussait vers les feux de plage à la recherche des kids les plus allumés. Crazy, mais cools. Enfin, jusqu'à un certain point. J'ai été témoin d'un beach drama. Une pure scène de Bullying, ou quand les plus forts s'en prennent aux plus faibles, le plus souvent physiquement. Le phénomène est tellement répandu aux U.S que Rock Star, les créateurs du hit game GTA, en ont fait un jeu vidéo. Les beach boys de OB aussi. La victime était bourrée comme seul un hooligan peut l'être, d'ailleurs, c'était l'un des rares Anglais d'OB. Surdéfoncé, à poil, le lad braillait et haranguait un peu tout le monde sur la plage. Top grillé au goût des locaux, de quoi attirer les cops et de se faire catcher en train de boire et de fumer. Après diverses Jackasseries plus ou moins bon enfant, du sable dans la bouche, aux algues dans les fesses, les kids se sont m'y à creuser un trou pour y mettre le relou. Les dimensions annonçaient clairement leur intention : l'enterrer non pas à l'horizontal, mais à la verticale, avec juste la tête qui sort du sable et l'impossibilité de bouger.

- Five-o, five-o, Pigs are in da house !

L'Anglais a été sauvé par l'arrivée des flics. Je ne sais pas si c'est une coutume locale, mais j'ai assisté le lendemain sur cette même plage à une autre scène de trou. Les mecs devaient sûrement être sous super speed pour avoir creusé un tel truc à trois. Des putains d’amphétaminomanes : le trou était suffisamment large et profond pour y mettre un Hummer !

- A direct ride through the earth !

Oaktree était persuadé que ces mecs cherchaient à aller au Japon par le chemin le plus court.

Un matin, le boss de l'Ocean Beach Hostel m'a demandé de partir.

- Oliver, you’re french, you’re cool, but you are innapropriate !

Tout ça à cause d’une simulation de conflit franco-irlandais sur la moquette des couloirs de l'auberge à 4 heures du mat’. La faute aux rouquins à tâches de rousseurs, et à notre passion commune pour les shot-gun. De sacrés soldats ces gars-là ! Je me retrouve donc à la street avec plus que 5 dolls en poche et un billet de retour dans 5 jours. La merde. Mais non, c'est là que le dieu Western Union entre dans le game. Après deux-trois appels au secours en direction de cette vieille pute d'Europe, c'est mon boss de Radio Nova qui m'a évité de me retrouver à la street. Mon pote Google m’a, lui, rencardé sur une autre auberge de jeunesse “ran only by Brazilian girls” ! Avec 300 dollars tout fresh en poche, je commande un taxi, oui madame, et trace poser mes trop nombreux sacs à un quart d’heure d'OB. J'ai fait le ride dans une énorme Lincoln au chauffeur top chéper, le genre de keum adepte de drogues pas encore synthétisées. Le freak m'explique bosser sur une combinaison utilisant l'énergie engendrée par une chute pour créer un rebond, ouais, puis me parle de nouvelles drogues psychédéliques, ouais ouais, pour finir par son amour pour la musique expérimentale, nan, là je dis stop. Je me retrouve, toujours pieds nus, planté sur un goudron trop chaud pour mes pieds de Parisien. Face à moi : une auberge de jeunesse, et pas que. Ambiance familiale, pas d'alcool inside, ni de clopes. C'est un plan rehab ou quoi ? C'est propre, et effectivement tenue par des Brésiliennes.

- Just try to get down.

Ça marche. J'ai dû faire un coma de près de 24h. Brain change : transmutation cérébrale. À mon réveil, changement de ligne éditoriale, je me souviens que je suis plus ou moins journaliste et qu'avant de coller toute la semaine à OB, j'avais d’autres projets de Californication. So laaaaaaaarge.

L'après-midi même, j’étais de retour à OB à la cueillette hédoniste de moments de bonheur. Et bang, me vlà face au sport le plus fun et sexy de toute la Cali : le roller derby. Dans sa version moderne, ce sport quasi centenaire aux U.S, est réservé aux femmes. Ça m'a furieusement donné envie d'avoir un utérus et de me remettre au roller. Lizzy Thrasher, Cherry Punch, Dirty Harriet, ou encore Ruthless Killa, les “Diego derby dolls” ont des blazes encore plus cool que celui de leur équipe. Sur le rink, c'est comme si les Suicide Girls du net s'étaient mises au roller. Très loin de l'esthétique sportif fluo-dégueu du “in-line”, c’est “quads” aux pieds, et tatoos un peu partout que les rollers derby girls se fightent. Vitesse, agilité, agressivité, sans oublier la féminité, le roller derby est un sport alternatif pas fait pour les gentilles filles. L’uniforme de ces hot cocottes montées sur roulette sent bon la riot-girl : minijupe, bas résilles, genouillère rector agressor, et bleus sur les fesses. Aïe-aïe-aïe, à peine arrivé au Masonic Temple d'Ocean Beach, où les ladies organisent un truc caritatif pour les autistes, si si, je me retrouve à cadrer un magnifique trio improvisé de roller girls. Merde. J'ai oublié la memory card de l'appareil de mon petit cousin à l'auberge. Thanx, thanx, so cool, quand même ! Ben ouais, je joue le jeu et fais même le malin. Delicious les filles, et avec ces micro jupettes, si on se la faisait Bootylicious.

- You wanna see my back ?

Et là, c'est le drame ! En se retournant pour me présenter leur verso, l'une des roller babes perd l'équilibre et vole littéralement sur place à la façon des personnages de cartoons. La pauvre se fracasse, non pas le ass, mais la cheville à l'atterrissage. Fracture. Et grosse shame pour ma gueule. Schmitto la loose, mon Doppleganger, mon double maléfique, est de retour et il m'a l'air en pleine forme, le con.

Comme tout bon Californien ayant fait une connerie, je trace me faire oublier au Mexique. Tijuana est à 30 minutes de trolley de Diego downtown. Le tram stop, et me vlà dans un putain de Disney trash. Un pont pour piétons en guise de frontière. D'un côté rien, le désert Sud Californien. De l'autre, une ville de près de 2 millions d'habitants. À l'entrée, l'espèce d'arche géante à la Mac Do souvent vue au cinéma, me fait penser à la ville comme à un vaste fast-food de la drogue. Dans les rédactions parisiennes, le gramme sur place se fantasme à 5 dollars. Mexican dream, baby. La réalité, c'est quasi la même merde qu'à Paris, pour à peine moins cher. Et fini les pochons surstylés de la Cali, retour aux vieux bouts de sacs plastiques, la même merde que ton dealer de Grigny, j'te dis. Tout sent le fake au royaume du burrito : ils coupent même leur putain de tequila à l’eau, ces salauds. L'avenue principale de Tijuana, TJ pour les wiseguys, est un énorme attrape-teubé. Pour attirer le gogo et tenter de lui fourguer masque de catch, vilain artisanat et faux viagras, les Mexicos vont jusqu'à pimper à coups de pinceaux leurs ânes en zèbres.

-So weird, they customised donkey onto zebra !

À deux rues du cirque de ces Champs-Élysées du pauvre, je tombe sur le plus grand bordel en extérieur que je n'ai jamais vu. Tous les mètres, une pute. Toutes les cinq putes, un dealer. Et au bout de chaque rue, une voiture de flic – enfin, un pick-up pimpé à l'africaine – avec mitraillettes à l'arrière. D'après ma dernière lecture du Courrier International, trois cartels se disputent le Mexique pour contrôler le trafic de drogue et la prostitution. Assassinats par centaines. Zéro arrestation. Explication : les cartels arrosent la police. Il est donc normal de voir toutes ces putes et dealers travailler en bonne entente avec les flics. Vu la gueule des putains – jeunes comme vieilles affichent cellulite et acné certaines totalement crackées racolent même avec les jambes croûtées – j'me dis que le seul truc à faire dans cette ville, c'est partir... ou faire un photoreportage sur les sales putes et la sale coke.

- What ? A TJ photo report about ugly hookers and fake cocaine ?

Heureusement, je n’avais plus de batterie dans l'appareil de mon petit cousin. Paraît que ça m’a sauvé la life. Mon retour aux U.S aurait tout de même pu virer au plan Midnight Express vu le souvenir que j'ai décidé de ramener au fond de ma chaussure. Outch, présence policière à la mine patibulaire. Easy, c'est pas pour moi tout ça. Je suis Européen moi, monsieur. C'est plutôt pour les college kids venus de Cali jouir des fêtes d'un spring break sans pause, nan ? Et puis, c'est surtout pour les Mexi-cans, enfin les mexi-can't, ceux qui ne peuvent pas entrer et qui finiront wet back, le terme U.S pour clandés.

Mon dernier soir en Cali, je l’ai passé dans une ruelle d’OB avec Oaktree et Indio entre quelques poubelles et deux grosses bennes à ordures, soit de quoi délimiter leur maison en carton en attendant de pouvoir se louer un vrai truc. On s’est fait un véritable festin à la façon du gueuleton imaginaire de Dean Martin et Jerry Lewis complètement fauchés dans je ne sais plus lequel de leurs trop nombreux films. Mais ici, le vin était bien réel : un cubi de rouge en l'honneur de ma frenchitude. Qui a dit que les Cainris ne savaient pas recevoir ? Cette nuit-là, avec Oaktree, dans un accés d'ivresse jubilatoire, on s'est rebaptisé les candy ravers. Freakitude revendiquée, on s'est choisi le plus bildé de la plage comme leader : AJ. Un Indien, un black, un teubé et un Français, vlà la brochette de white niggers. En plus du vin, ils avaient tout prévu. Yes Oliver, si tu veux te soulager, vlà les toilettes, contre la poubelle, sous l’escalier de sécurité. Après un litre de ce red wine franchement dégueu, je me suis résolu à pisser au beau milieu de leur salon improvisé. Et là, sur le couvercle d'une poubelle un sticker me regarde, Ocean Beach : An attitude, not an address. Tu vois ce que je veux dire.

Sex on the beach, ou presque. Mes dernières heures à Ocean Beach, je les ai bien passées sur la plage avec une bitch, mais à vomir. J'ai tenté pendant le vol de retour en France de reconstituer la chronologie de mes dernières heures sur le sol américain. À 18h, j'ai mangé deux burritos au Mexicain du coin. A 18h10, beuuurps, petit renvoi, la viande ne devait pas être top fresh. 19h, je retrouve Oaktree, Indio, et leur cubi de vin. Après avoir trinqué aux candy ravers, for ever, je demande à Indio ce qu'il transporte dans le petit sac en cuir qu'il a en permanence autour du cou. Pas touche, it's medecine, qu'il me dit. Puis il rajoute : but you’re real Oliver, i do like you. Et me file quelques-unes de ces drôles de petites graines.

- It's gonna clean you.

Tu m'étonnes, j'en ai vomi sur la petite Canadienne à qui je roulais des pelles vers 2 a.m. Un truc soudain et violent. Loin des portes de la perception kaléidoscopique d’une hyperréalité hypnagogique, mon trip se résume à 4 heures de gerbe accompagnées de l'insupportable accent de cette meuf venu du grand nord. L'impression d'avoir affaire à une fille-cochon. Non pas dirty, mais piggy. Grosse carence de courage testiculaire : bien que la baby soit anatomiquement plus que correcte et d’un coefficient hormonal supérieur, je l’ai laissée m’abandonner sur la plage, bitch ! Vers 5 heures du mat’, j'avais enfin fini de vomir ce putain de Mexicain. Je me sens clean, mais totally lost. Entre 5 et 7, j'ai dû lutter pour retrouver l'auberge et ne pas rater mon vol. Je suis maintenant à plus de 10 000 mètres d'altitude dans mon jumbo-jet en solde. Une gentille hôtesse vient de m’apporter ma douzième bière, je me souviens de mes lectures situationnistes : ça me conforte dans ma posture de renégat. Comme eux, fort de mon OB trip, je mise sur le pouvoir d'un goût permanent pour la dérision, d'un refus des limites, d'un irrépressible penchant pour le ludique, d'un total refus des convenances… Et pas que : Rest In Peace Jean-Francois Bizot.

Je reviens de là-bas où le ciel est toujours bleu, l'air pur et les vibrations harmonieuses. Ding Dong dit l’avion. Une treizième et dernière bière, je m’endors en pensant à mes futurs tatouages : un smiley sur l’avant-bras droit, l’emprunte d’une semelle de vans sur la fesse gauche et des confettis sur les épaules.