#4 Micflow a.k.a. Flo No Stress - Part II
par Asma
On profite des deux ou trois jours à passer dans la zénitude du Cap Vert, on trouve même de la salade, mmmhh de la salade! On est cools et en plus on a marqué le festival. Dès le lendemain on nous branche pour d’autres projets ailleurs. Just A Musical Trip is on! En quelques heures on remplit nos poches de cartes de visites. "Ouah mais c’est cool, cette tournée ça va le faire!". Bon, il faut bien garder en tête que le reste de l’Afrique ce n'est pas le Cap vert. On aurait peut être dû conclure avec cette destination en y repensant. Et note pour plus tard, les femmes y sont extrêmement charmantes, je connais pas le Brésil mais je me dis que ça y ressemble!
Retour dans le van, on arrive au bord du fleuve Sénégal, frontière naturelle avec la Mauritanie, le but du jeu c’est de le traverser. Je crois que c’est la toute première frontière géologique que l’on a franchie dans notre carrière, et pas des moindres. On prépare nos passeports et notre chauffeur, Sidi, grâce à qui on a vraiment moins galéré, nous lance un: "Gare aux pickpockets!" tout en gardant le sourire.
Le van s’avance, voilà la police, enfin je crois car ils portent des uniformes. Les types nous lancent: “Vous allez à Nouakchott? On peut vous laisser quelque chose?”. Bah oui, mais oui, tiens! Tu connais Dany? Par contre, il n’y a rien de No Stress dans l’ambiance, c’est le bordel, on se fait brancher, ça parle Wolof et on capte rien.
On vient de laisser nos passeports à un flic qui s’est barré à 800 ou 900 mètres de nous. Hey! Ça donne confiance, tu trouves pas? Ah les toubabs, c’est comme si on était invisibles ici. On attend patiemment dans le van, Sidi a payé pour qu’on soit mieux lotis dans la file de voitures.
Retour à Praïa au Cap Vert, jour du départ, on est encore dans le bluff de l’ambiance insulaire, on prend l’avion avec la banane et un peu l’envie de rester sur place. Escale à Dakar pour un changement vers Banjul et tu sais quoi? Il caille à Dakar!
On est gentiment bousculés lors de l’achat de nos visas. La technique: rester courtois et polis quoi qu’il se passe. Et cette ambiance "chaleureuse" se ressent dans toutes les formalités. Mais imagine cette situation dans le sens inverse. Notre chère police des frontières est-elle avenante? Use-t-elle de politesse et courtoisie avec les ressortissants africains? Hein, qu’est-ce t’en penses? Bien fait pour nous, avec notre système suspicieux à la con, l’échelle des valeurs qu'on applique aux différents peuples du monde et autres discriminations fondées uniquement sur le faciès, hein... Du coup ils font peur les autres, nan? Mais ouais, on est mieux nous, on sait tout nous! Dis toi mon pote si tous ces connards à cravate soit disant représentants de la République, de l’ouverture, des droits de l’homme, avaient un peu laissé leur cupidité au placard, s'ils avaient pas foutu la vraie merde sur ce continent magnifique, tu crois qu’on renverrait cette image de merde? J'me dis qu’il fait bien ce Dany No Stress finalement.
Deux d’entre nous sont tombés sur un douanier qui écoutait du rap pendant qu’il imprimait leur visa, il était à peu près cool. Après une heure d’attente, on rencontre M. Sene, le coordinateur de la tournée, un grand monsieur qui nous drive vers l’autre avion, la bande de pigeons que nous sommes se sent moins pépère qu’au Cap Vert, mais on attend Banjul avec impatience.
On slalome entre les vendeurs de cartes de téléphones et les changeurs de monnaie pour rejoindre le terminal de départ. Contrôle de passeports, contrôle du carnet de vaccination (je ferai un pamphlet plus tard sur cette situation inacceptable que l’on fait subir à tout un continent), enregistrement des bagages, scanner et compagnie, et là, on prend un avion Brussel Airlines. Ouais, ouais, moi non plus j’ai pas tout pigé. Il est presque midi et j’ai une veste, en Afrique, à Dakar… "Ah d’accard!".
Donc bel avion dis donc, vol tranquille, on ne va pas non plus s’en plaindre, on arrive à Banjul. Le directeur de l’Institut est là pour nous accueillir, accompagné du régisseur technique. Nous, comme à notre habitude, on est cools, ça fait plaisir d’être ici, arrivés dans le deuxième pays de la tournée.
On se dirige vers le kiosque "Achète ton visa", le régisseur se charge de garder nos sacs pendant que le directeur gère les formalités. Deux jeunes arrivent et nous branchent: "Cool d’être en Gambie! Le Hip-Hop, tout ça, tout ça…". On n’est pas suspicieux, les types n’ont pas de sculptures et rien à vendre à priori, pour nous ils font parti du staff.
Sur les rives du fleuve Sénégal, le van démarre et se dirige vers la barge. Ça fait, je pense, 20 ou 30 minutes qu’on est là. Des enfants passent pour faire la manche, l’un d’entre nous leur donne des pommes et des oranges. On se dit qu'il vaut mieux qu’ils bouffent quelque chose au lieu de se faire racketter d’éventuelles sommes d’argent qu’on aurait pu leur filer.
Le van monte sur la barge, Sidi salue pas mal de monde, il a pas mal d’amis d’enfance de ce coté de la rive. Le van se gare sur le bateau quand un policier des frontières passe sa tête par la vitre ouverte de la portière, regarde Klee, notre ingé-son, et lui lâche un: "Toi, tu ressembles à Johnny Hallyday! Ha ha ha ha!". Le genre de vanne incompréhensible quand tu vois Klee, mais ça a le mérite de détendre un peu atmosphère dans ce contexte chaleureux! Des flics ou des militaires sont là aussi. Ils sont tout enturbannés, on ne voit pas leur visage, juste un uniforme et une arme…On n'était vraiment pas en confiance. Le bateau entame sa traversée.
Aéroport de Banjul, les gars que l'on pensait être du staff nous grattent des thunes… Ok mais j’ai que des escudos (monnaie capverdienne). On se fait carotte, en groupe cette fois, à proximité du dirlo et de son régisseur, les deux étant respectivement à quelques dizaine de mètres de nous. On remplissait les formulaires à ce moment là, l’un croyait que l’autre avait géré ceci et vice-versa. Nous, quand on s’aperçoit que c’est juste des gratteurs, on se vexe mais on prend sur nous.
A Banjul, mieux vaut deux fois qu'une: ça y est on est en Afrique! Il y a ce sable orange qui tapisse le sol, du monde dans les rues, une cohue circulatoire dans un désordre organisé, des cahutes de marchands, pleins de gens à pieds, et pas vraiment de blancs. J’avoue qu’après l’épisode de l’aéroport, on est un peu perdus. On nous présente l’Institut, le personnel, puis direction la guest-house.
Un immeuble sur le bord de la route, des trottoirs de sable, et une toute petite pancarte signalant la présence de ces apparts hôtels. On en a trois pour cinq, on établi la répartition et on se pose enfin.
On demande discrètement au personnel si on peut avoir des épinards, on veut reprendre nos forces comme Popeye. L'un nous répond: “Oui je reviens...”. Oh une boite chacun? Hey merci! On nous dira plus tard, au cours d’une discussion dans un hôtel de transit, que la Gambie, c’est un peu la Jamaïque de l’Afrique.
La pression redescend, on réalise l’ampleur de ce voyage qui, je suis sûr, apportera autant de surprises que de révélations. On se détend, on partage nos émotions, parés pour le lendemain.
MICFLOW (Propos recueillis et mis en forme par Asma)
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