
Zoxea : « Avec Sages Po, c'est jusqu'à la mort »
Rescapé de l'âge d'or du rap français, Zoxea est un activiste de la scène parisienne depuis 1993. En tant que producteur ou MC, il contribue - au sein des multiples collectifs dont il (a) fait parti (Sages Poètes de la Rue, Beat de Boul', IV My People) - à écrire l'une des plus belles pages de l'histoire du rap céfran.
Jean-Jacques Kodjo (de son vrai nom) prépare actuellement son prochain solo, en étroite collaboration avec le 104, puisqu'il occupe un atelier depuis le mois de février et permet ainsi au public d'en savoir plus sur son processus de création. Nous en avons profité pour questionner le boulonnais sur son terrain de prédilection.
Qu'est ce qui a motivé le fait que tu sois venu au 104 pour travailler ton troisième album ?
Zoxea : Avec ma nouvelle façon d'écrire, j'avais besoin de temps. J'écris tout de tête depuis 2005. Pour appliquer cette technique, j'avais besoin d'un endroit calme pour concevoir ce projet.
A la base, c'est un atelier ?
C'est nous qui l'avons transformé en studio.
Et tu as sollicité le 104 ?
Au moment de rechercher un endroit, je suis tombé par hasard sur une affiche qui traitait du système de résidence d'artistes proposé par le 104. Comme j'aime bien découvrir des nouvelles choses et me démarquer des autres, ça me convenait parfaitement.
Je voulais pas communiquer autour de l'atelier et faire fonctionner le bouche à oreille, que ce soit les habitués qui en parlent autour d'eux, comme à l'époque. Au départ, il y avait 100 personnes, maintenant on est proche des 500 pour les ouvertures. J'ai vu beaucoup de talents circuler. Ça me rappelle les scènes ouvertes, avec des mecs différents, qui se calculeraient même pas dans la rue mais qui posent sur mes créations.
« La musique a changé, les formats ont changé, il faut s'adapter à tous les niveaux. »
Comment as-tu été accueilli par des gens du 104 ?
Je les intriguais, la personne que j'ai rencontré ne connaissait pas mon travail car elle n'écoutait pas spécialement de rap. Ce que je trouve intéressant dans un endroit comme celui-là, c'est justement de pouvoir faire découvrir ma musique aux gens. Avec les Sages Po, on a toujours eu cette démarche d'ouverture.
Tu n'écris pas tes textes, tu es quasiment le seul à développer cette technique dans le rap français...
En tout cas, je pense être un des seuls à la revendiquer. J'écris mes textes sauf que je n'utilise ni feuilles, ni stylos. Depuis que je suis ici, je fais un peu la promotion de ma technique d'écriture, j'ai entendu des ah ouais, il fait comme untel ou untel. Au Etats-Unis, on sait que Jay-Z fait ça, Notorious le faisait également...
A l'époque d'A Mon Tour d'Briller, c'est le type d'expérience que tu aurais refusé ?
C'est quelque chose qui était inconcevable il y a 10 ans, j'étais trop parano et j'avais trop peur de me faire pomper nos idées, nos concepts. Quand on démarchait les maisons de disques, c'était difficile car on était face à des DA qui aimaient notre son, qui nous demandaient de leur lâcher un cd pour que leur patron puisse écouter mais nous refusions systématiquement.
C'est le contre-pied de ce que tu fais aujourd'hui...
La musique a changé, les formats ont changé, il faut s'adapter, à tous les niveaux.
« Il n'y a jamais eu de cassure ou la moindre embrouille entre nous. Avec Sage Po, c'est jusqu'à la mort. »
Avais-tu une idée précise des thèmes que tu voulais aborder en arrivant dans l'atelier ?
Pas vraiment, car je bosse vachement au feeling, en fonction de ce que la musique m'inspire. Comme avec Sage Po, même si on a des thèmes de prédilection, ils vont être déclenché par la musique.
Quand j'ai commencé à travailler sur l'album, il devait se découper en deux parties : l'esquisse avant le chef d'oeuvre. J'essaye d'instaurer un climat de confiance avec le public pour qu'il me dise réellement ce qu'il pense de ma musique, sans tabous. C'était important pour moi de savoir ce que les gens attendaient de Zoxea, dans quel registre...
Ce travail m'a permis de véritablement savoir ce que je voulais faire. J'ai plus de 150 instrus perso, les gens me connaissent moins en tant que producteur, j'aimerai m'affirmer avec cet album. J'ai produit beaucoup de morceaux dans les albums des Sages Po.
Quelle sera la couleur du disque ?
En plongeant dans mes musiques, j'ai plein de thèmes qui me viennent à l'esprit, je serai pas en galère. Je sais juste que ce sera du son à l'ancienne.
Tu as beaucoup de jeux de mots sur la syllabe, avec des rimes assez techniques, est ce que tu n'as pas peur, en avançant dans le disque, de perdre des choses que t'avais créé au début ?
C'est une question récurrente lors des mes entretiens avec le public. J'aime le côté spontané de ma façon de travailler. C'est parfois difficile de combiner la spontanéité et l'aspect technique. C'est pour ça que je fais un gros travail en amont de manière à conserver les deux. Avec cette technique, quand tu poses, c'est un peu comme si tu étais poursuivi par quelqu'un qui veut ta peau J'adore les néologismes. Avec sage Po, on a inventé plein de mots et expressions. Je trouve que le rap d'aujourd'hui manque un peu de créativité, à l'époque, chacun avait son truc, que ce soit Expression Direkt, 2 Ball....
Sincèrement, est-ce que le rap c'était mieux avant ?
J'ai l'impression que c'est devenu plus individuel. il y a moins de groupes, de collectifs. C'est ce qui faisait la richesse du rap français. L'union fait la force. Au début on avait rien et on arrivait bien à se faire entendre, aujourd'hui on a tout. Faut juste trouver le bon format, la période est floue avec ces problèmes de téléchargements légaux/illégaux.
Tu es remonté sur scène récemment avec Sage Po pour le concert Retour aux Sources...
Dernièrement, j'ai fait un titre avec Dany Dan (Chacun sa Drogue sur la compilation Punchline Street Beat Show) qui a eu un bon buzz récemment. Pour le moment, chacun bosse sur son solo, le nouvel album n'est pas à l'ordre du jour. Les gens me parlent de reformation mais en fait il n'y a jamais eu de cassure ou la moindre embrouille entre nous. Avec Sage Po, c'est jusqu'à la mort.
Entretien publié le 8 septembre 2009
Auteur : @FrancoisChe
Photos : Mpy Was Here