
Hudson Mohawke : Bread & Butter
Capuche sur la tête, position affalée et regard baissé, une rencontre avec Hudson Mohawke peut au premier abord laisser perplexe… L’écurie Warp aurait-elle déniché son nouveau poulain en se postant à la la sortie des écoles (d'ingénieur) ? Sous ses faux airs de gamin, le jeune producteur écossais de 23 ans n’en reste pas moins l’une des meilleures sensations électro de 2009.
Après nous avoir mis l’eau à la bouche au mois de mars avec son maxi Polyfolk Dance, Hu Mo passe l’étape supérieure en livrant Butter, un premier album qui le fait rentrer dans la cour des grands. Il se produisait à Paris en septembre dernier, l’occasion d’en savoir un peu plus sur ce petit génie dont la timidité n’a d’égale que le talent.
Tu sors des disques sous le pseudo Hudson Mohawke. C’est lié au film avec Bruce Willis ?
Non, pas du tout. En fait avec mes amis, on avait l’habitude de s’envoyer des noms stupides par SMS, une sorte de compétition de geeks totalement inutile. Quand je vivais à New York, il y avait cette statue dans le hall de mon immeuble, celle d’un type nommé Hudson Mohawke. Ce nom m’a plu, mes potes l'ont validé alors je le l’ai adopté.
As-tu vu le film ?
Oui, c’est une belle merde d’ailleurs.
Comment évolue la scène musicale à Glasgow ?
Ça bouge vraiment bien, il y a beaucoup de bons groupes et de bons Dj’s, il y a aussi quelques bons night clubs. Ce qui est intéressant c’est que la jeunesse de là-bas s’intéresse véritablement à la musique actuelle. Il faut dire que l’environnement est plutôt favorable à ça : avec le temps de merde on reste chez soi et on fait de la musique.
Tu as participé aux championnats DMC à l’âge de 14 ans. Quelle expérience en as-tu tiré ?
Cela a été vraiment important. Je suis arrivé en finale et j’ai donc atteint mes limites en turntablism. Ensuite, j’ai pu me focaliser sur autre chose, me concentrer véritablement sur la production de beats et commencer à réfléchir sur d’autres constructions.
Plus jeune, tu as aussi fait quelques beats sur Playstation…
Vers 12 ans je me suis acheté un jeu appelé Music, c’était un séquenceur très basique mais je me suis bien amusé avec, j’ai fait beaucoup de morceaux. Par contre je crois que j’ai perdu ma carte mémoire…
"J'ai vu le film (Hudson Mohawke) et c'est une belle merde."
La musique binaire des jeux vidéos t’inspire-t-elle ?
Oui, je possède plusieurs bandes originales de jeux japonais que je trouve véritablement incroyables. Il faut dire que j’ai vraiment passé beaucoup de temps à jouer aux jeux vidéo, ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Quels producteurs hip-hop t’ont bercé ?
Pete Rock, Dj Premier, Hi Tek, J Dilla et avant eux des producteurs de Jungle.
Comment as-tu géré le fait de faire des beats et d’aller en cours ?
J’ai 23 ans, donc j’ai fini l’école. J’ai fait une formation d’ingénieur du son dans un autre collège et j’ai aussi travaillé en tant que barman. C’est pendant mon temps libre que je faisais de la musique.
Tu as toujours voulu faire de la musique ou bien est-ce venu plus tard ?
Depuis tout petit, c’est mon rêve. Je crois que je suis incapable de faire autre chose de toute façon. Et puis je n’ai pas envie de faire autre chose, un métier pourri qui m’ennuirait.
Ton premier Ep, Polyfolk Dance, a été très bien accueilli par la presse et le monde musical en général. Comment as-tu réagi à tous ces éloges ?
Ça a été vraiment sympa, je ne m’y attendais pas du tout. Ça fait toujours plaisir quand les gens reconnaissent ton travail. En fait, je m’attendais seulement à avoir quelques bonnes chroniques, le reste plutôt moyen, car même si la promo a réalisé un super taff, on ne sait jamais ce que les gens vont penser. J’ai finalement été agréablement surpris.
"Vers 12 ans je me suis acheté un jeu appelé Music, c’était un séquenceur très basique mais je me suis bien amusé avec, j’ai fait beaucoup de morceaux. Par contre je crois que j’ai perdu ma carte mémoire."
Tu pensais déjà à l’époque sortir un long format ?
Oui, pour être honnête Butter aurait du sortir il y a 6 mois déjà, mais je viens simplement de le terminer, j’ai mis un peu plus de temps que prévu.
Cette pression, liée à ta signature chez Warp, tu la ressens de nouveau pour la sortie de l’album ?
Oui, cependant elle est différente du premier Ep, dans le sens où l’album est plus musical que le maxi. L’Ep était une sorte de compilation de beats alors que l’album contient plus de musicalité. C’est tout de même un changement important, surtout pour les personnes qui apprécient mes beats. J’espère qu’ils vont aimer cette évolution. Voilà pourquoi je suis excité à l’idée de la sortie. En plus les réactions aux versions promos ont été bonnes, tout du moins jusque là.
Butter contient 18 morceaux. C’est beaucoup ?
Oui mais ce sont des morceaux assez courts. J’aurai aimé en faire moins mais je trouve qu’il y a vraiment une homogénéité dans l’ensemble. Je suis sûr qu’en enlever certain aurait modifié l’écoute globale et je suis satisfait du résultat.
Quelle est la démarche de Butter ?
Je voulais montrer différents aspects, un panel de choses différentes, des productions variées mais liées. L’idée principale reste tout de même de ne pas faire uniquement des beats, je voulais que l’album soit plus accessible, que les beats atteignent un autre niveau. J’ai vraiment essayé de perfectionner mon style et de l’élever.
Pourquoi le titre Butter ?
C’est juste que j’adore le beurre (rires). Non en fait, je cherchais un nom qui représenterait ma musique et l’idée du beurre me semble être la plus adaptée. Il y a cette idée de bloc à la fois dur et mou, qui peut être fondu mais aussi remodelé dans différentes formes. C’est tout à fait comme ma musique.
Est-ce qu’il y a une histoire derrière la pochette ?
C’est la même personne qui a réalisé celle de l’Ep qui s’en est occupé. Il y a eu pleins de versions que je n’aimais pas, il a fallu pas mal de temps pour choisir la définitive. Finalement on en a sélectionné deux, celle de la version promo et celle de la version finale que je préfère.
"L’idée principale reste tout de même de ne pas faire uniquement des beats, je voulais que l’album soit plus accessible, que les beats atteignent un autre niveau. J’ai vraiment essayé de perfectionner mon style et de l’élever."
Tu as collaboré avec Dam Funk (Stones Throw). Comment ça s’est passé ?
J’ai toujours été un grand fan du monsieur, alors je suis rentré en contact avec lui et il m’a dit apprécier mon travail. Nous nous sommes ensuite rencontrés et je lui ai proposé de travailler sur un titre de l’album. Je lui ai demandé quelque chose de spécifique, c'est-à-dire de faire des chants, chose qu’il ne fait pas souvent vu qu’il est la plupart du temps producteur. Je lui ai envoyé des beats à plusieurs reprises et il m’a renvoyé sa partie chantée.
Il y a également Nadsroic en featuring.
C’est une fille qui habite à Glasgow et qui vient du Nord de l’Ecosse. On a travaillé ensemble quand j’étais barman. On avait déjà fait quelques morceaux ensemble pour le fun, on avait même sorti un disque de 5 ou 6 morceaux. J’ai décidé d’utiliser la partie vocale d’un de ces morceaux. Maintenant elle vit au Japon et enseigne l’anglais. On va essayer de travailler sur autre chose ensemble.
Enfin Olivier Day Soul figure aussi au tracklisting.
Je l’ai rencontré il y a quelques années, à l’époque je bossais avec un MC nommé Oddisee qui vient de Washington tout comme Olivier qui faisait des trucs plus soul, un peu R’n’B. On avait d’ailleurs fait ensemble un morceau complètement fou. Ensuite on s’est revu, on a même fait un concert à Paris tous les deux. C’est vraiment un chanteur incroyable. Il faut savoir qu’il est aussi scientifique, il a étudié à l’Université d’Oxford. Je lui ai donc demandé de participer à mon album.
Tu n’as jamais eu envie de rapper ?
Non ! (rires) En fait je l’ai déjà fait, sur un morceau qui est sorti d’ailleurs. Mais je ne dirai jamais lequel ! En plus ma voix a complètement changé depuis alors c’est quasiment impossible à trouver.
"J'ai déjà rappé sur un morceau. Mais je ne dirai jamais lequel ! En plus ma voix a complètement changé depuis alors c’est quasiment impossible à trouver."
Est-ce que tu as l’impression d’appartenir à une certaine scène, aux côtés de Flying Lotus ou Exile pour ne citer qu’eux ?
D’une certaine manière, oui. Ce qui est sympa c’est qu’on forme une sorte de famille de producteurs. On se rapproche au niveau des influences et des envies sonores, néanmoins on fait quand même des sons différents. Disons que tout le monde part dans des directions différentes. Après je pense qu’effectivement on peut nous rapprocher dans une scène, mais pas au sens traditionnel. En plus c’est une belle collection de gens et je suis vraiment fan de leur musique.
Pour quels rappeurs aimerais-tu faire des beats ?
Freeway, Jadakiss, T.I., Jay-Z bien sur. Ce serait déjà pas mal.
Quelles sont tes ambitions ?
Dans les prochaines années, j’aimerai m’investir encore plus dans les productions hip-hop, essayer de bosser avec Stones Throw, faire le maximum de remixes, rencontrer un maximum de personnes, enregistrer un nouvel album… Je prends tout comme ça vient, au jour le jour, en fonction des opportunités qui se présentent. J’essaie d’aller de l’avant.
Tu as toujours le temps de voir tes potes de Glasgow ?
Oui mais un peu moins. En ce moment je suis sur Londres, c’est à seulement 3 heures de Glasgow alors j’essaie d’aller le plus souvent possible là-bas. D’ailleurs demain je vais les voir pour un anniversaire, eux s’arrangent pour descendre et moi pour monter. On va toujours aux concerts ensemble, on joue au basket.
Article publié le 15 octobre 2009.
Auteur : Alino
Photos : Droits Réservés
Hudson Mohawke – Butter (Warp / Discograph)