
Estevan Oriol : « Le gang, c'est pour la vie »
Pour la 9ème édition de la "Back in the days", après Jamel Shabazz, Martha Cooper, Ricky Powell, et moult autre big acteur de la culture hip-hop, l'organisateur Nadim Makhlouf a invité Estevan Oriol à exposer ses clichés. West Coast attitude, gangsta shits en pagaille, hand signs, biatchs, tatoos, lowriding, Estevan Oriol est l'ambassadeur photo de la culture latino, une subculture hyper codifiée ou rien n'est fait par hasard.
Bon, faut que je vous avoue, pendant longtemps j'ai envié les gays et leur tea-dance du dimanche après-midi - hé ! ho ! - dont get me wrong, rien de sexuel la dedans, c'est juste que j'ai toujours trouvé ça terrible de pouvoir s'éclater en cette journée qui pue la mort. Désormais, moi aussi je peux kiffer le dimanche grâce aux après-midi "Back in the Days" de l'ami Nadim, un événement qui fait revivre le meilleur de la culture hip-hop à coup de pas de danse, de vieilles galettes, de rares baskets, et de photos qui pètent.
Estevan Oriol à Paris ! Ca tombe trop bien, ca fait un mois que je scotche sur ses photos dans le bouquin des 10 ans d'Upper Playground, la marque galerie de San-Francisco avec laquelle il a régulièrement collaboré au travers de tee-shirts reprenant ses photos les plus connues. Quand je lui ai serré la main le samedi précédent l'événement, j'ai eu l'impression que le mec faisait 2 mètres; ce qui me vaudra le lendemain d'être taxé de mytho après que mes potes l'aient vu. Alors ok, il ne mesure peut être pas 2 mètres, mais pour vous donner une idée du gabarit, il a commencé comme videur dans un club de LA; job qu'il m'explique avoir rapidement quitté ne supportant pas de se faire traiter de baltringue par des baltringues alcoolisées.
« Quand tu fais partie d'un gang c'est pour la vie, et même si t'es pas actif, si un de tes homies est en galère, tu te dois d'être là. »
Pour définir son style de tof, toujours shootées en noir et blanc et en argentique (environ 10 000 clichés depuis le début de sa carrière) je lui propose Gangsta pictures : nan. Ghetto pictures : nan. Street Life photographie : yeah right ! Tout a commencé par des photos de backstage alors qu'il était le tour manager de House of pain et de Cypress Hill. Il shootait tout le temps mais ne développait jamais. Ce sont ses potes qui le motiveront pour révéler le contenu de ses premiers rouleaux... la suite is history.
Alors déjà, pourquoi tant de noir, et tant de blanc, sous le ciel toujours bleu de Californie, parce que rien que dans les sapes, le style gangsta west-coast, c'est principalement du noir et du blanc. Il m'explique que le noir et blanc c'est le truc classique, l'élégance par excellence. Tu vois George Cloney tout en noir, c'est la classe, ou Puff Dady tout en blanc, c'est la classe. Peu de gens ont un bon look habillé en jaune ! La couleur c'est bon pour les meufs et les pimps qu'il me dit. Mais ouais, téma Don Magic Juan je lui répond, le roi des pimps et son code couleur vert et jaune, green for the money, gold for the honey, il termine la maxime avec moi et se marre d'entendre un petit frenchie réciter un classique. Il m'explique que de nos jours trop de gars font leur marque de sape en mode skittles, tu sais ces petit bonbons de toutes les couleurs. Pour la sienne, Joker, créé avec son homie le tatoueur Mister Cartoon, petite exception, ya aussi du bleu marine et du gris.
J'enchaîne donc sur les tatoos et lui demande si tout les siens sont de Cartoon. Ben nan, car il a commencé à se faire tatouer avant que Cartoon ne tatoue lui-même. Il me raconte avoir été son cobaye pour ses tout premiers lettrages et me montre le prénom de sa grand-mère qu'il a au dessus de la cheville. Alors si on parle famille Estevan, dis moi si tu es marié, si t'as des enfants. Oui et oui, quatre, et il s'empare de ma nouvelle bible, le bouquin des 10 ans de Upper Playground que j'ai rapporté pour lui demander de commenter certaines tofs. Il plonge dedans et s'arrête sur l'une de ses tofs les plus connues; un bon beau big ass avec le "west" tatoué sur la fesse gauche, et le "coast" sur la droite. Il la pointe du doigt et me dit en se marrant : "my daughter". Oh putain ! La blague qui tue. Même le plus abusé de mes doubles n'aurait pas osé la faire, il vient de la lâcher. Plus sérieusement, il reprend sa recherche et s'arrête cette fois sur le plus gangsta des portraits de meuf que je lui connaisse pour m'annoncer que c'est sa femme. Angel de son prénom. Holy gangsta shit, ah ouais, c'est madame Oriol là, avec un putain de fusil dans les mains. Mais alors Estevan, tu es vraiment ce qu'on appelle un G, or not. Réponse : guilty by association comme ils disent par chez lui. Quand tu fais parti d'un gang c'est pour la vie, et même si t'es pas actif, si un de tes homies est en galère, tu te dois d'être la. Quoiqu'il en soit, le mec est un putain de criminel visuel comme l'annonce le blog de Nadim, un tueur de photographe. Au delà des tofs de gang members et de lowriding, il a shooté moult movie stars, de Denis Hopper à Dany Trejo (vu dans une Nuit en Enfer), beaucoup de rap stars (avec une grosse préférence pour ses potes de Boo Ya Tribe), et des meufs par centaines, d'où son book LA Woman pour la promo duquel il est 15 jours en Europe, merci les filles.
Niveau "back in the days", je lui demande ce que ca représente pour lui. Il me dit regretter qu'aujourd'hui même les kids à fond dans le rap game ne connaissent pas Bambaataa et s'en tapent. Je lui explique que ca n'est pas le cas en France, qu'il va kiffer l'événement de dimanche, qu'ici on se souvient bien du quatrième commandement du prophète, le fameux "having fun". Ce qui fut la cas avec plus de 1200 hip-hop lovers venu lui checker la hand le lendemain. C'était Gangsta, gangsta love, quoi.
Entretien publié le 14 février 2010
Auteur : Schmitto
Photos : Droits Réservés