
Diplo : “J'avais l'habitude de graffer avec ce blaze, c'est trop tard pour changer”
De son vrai nom Wesley Pentz aka Diplo. Le CV de cet ancien professeur d'informatique reconverti en ambassadeur de la Baile Funk donne le vertige. A la fois technicien du beat, musicologue, remixeur émérite, label manager, défricheur de talents sans frontières et globe-trotteur. Il fait partie de cette race de mec un peu rare et exaspérant qui sait tout faire, sauf des mauvais choix.
Après avoir dévasté les dancefloor avec Hollertronix (en binôme avec Low Budget), collaboré avec Switch pour produire M.I.A., copiné avec Spank Rock, Santogold et relooké des tracks de Kanye West, Gwen Stephani, Bloc Party... (liste trop longue), Diplo n'a pas d'autre intention que développer son label Mad Decent, tout en prenant un maximum de plaisir.
A la manière d'un Busy P mais dans un registre plus complet, le garçon jongle avec facilité entre underground et mainstream en assurant la direction artistique d'une structure qui commence sérieusement à peser (Major Lazer, L-vis 1990, Boy 8 Bit, Blaqstarr...).
Diplo se réveille tranquillement juste avant son set au Social Club...
Diplo : Est-ce que ça te gêne si je me brosse les dents avant qu'on parle ?
Street Tease : Nop ! Vas-y je t'en prie.
Street Tease : Tu arrives d'où là ? Tu m'as l'air super fatigué... (Les incidents de la veille en Gare du Nord ont bloqué tous les trains en provenance de Londres)
Je jouais à Londres hier soir avec mon pote Boy 8-Bit. Nous devions arriver à Paris dans l'après-midi mais notre train a pris feu (rires). Au final, on a accumulé pas mal de retard et je suis un peu rincé.
Tu n'as jamais songé à changer de nom ?
Je n'ai jamais pris le temps de le faire. Si tu as des bonnes idées, pourquoi pas !? Je pense que Radioclit et Spank Rock ont aussi des sales noms mais c'est un peu trop tard pour changer maintenant... J'ai pris l'habitude de graffer avec ce blaze. C'est lié à une fille que j'ai rencontré en Floride, quand j'étais un kid. Elle avait des lèvres incroyablement sensuelles et en les dessinant, ça ressemblait à des lèvres de stégosaure (sic). Je crois que je suis un paléontologue raté (rires).
« Je crois que je suis un paléontologue raté »
Que penses-tu de l'ambiance dans les clubs en France ?
J'ai du jouer quelque chose comme 5/6 dates en France, à l'Élysée Montmartre, au Nouveau Casino, dans l'ancien Tryptique, au Paris-Paris... Ce fut à chaque fois une très bonne expérience. C'est peut-être moins chaud que dans certains pays mais le public français est connaisseur et sait apprécier ta musique.
Tu t'es fait un paquet de potes en France, non ?
Ça fait 3/4 ans que je viens en France et j'ai effectivement pas mal d'amis, mais surtout dans le son en fait. Je crois que mon premier pote français fut Étienne Tron (Radioclit, The Very Best ndlr), il est vraiment cool. Je connais bien les gars de Justice également, j'ai fait quelques dates avec eux. Pedro Winter bien sur, Tacteel...
Tu travailles actuellement sur plusieurs projets, tu peux nous en parler ?
En ce moment je travaille sur deux albums en même temps. L'un sera orienté club, proche des mixes que je peux faire actuellement et un autre [mon préféré] qui sera un album de reggae/dancehall avec plein d'artistes invités.
Dans quel domaine tu t'éclates le plus ? Travailler sur tes propres morceaux ou sur un nouveau remix ?
J'adore bosser sur mes productions mais l'exercice du remix te permet de développer de nouvelles idées, j'ai l'impression que tu peux expérimenter plus facilement sur le travail des autres, en essayant des nouveaux sons, des nouveaux styles.
Par exemple, j'ai fait un remix pour le groupe de rock Yeah Yeah Yeahs en ajoutant une once de reggae, un autre plus ghettotech pour Peter Bjorn & John. Je le fait toujours dans le but de développer différents styles. Ce n'est pas gratuit et c'est un bon moyen de s'amuser avec les sons des autres.
« Je l'ai sans doute un peu trop affirmé à un moment où le baile funk n'était pas trop connu aux États-Unis alors qu'il est né il y a plus de vingt ans au Brésil »
Tu as quitté Big Dada pour fonder ton propre label, pourquoi ?
J'ai quitté Big Dada pour créer Mad Decent. Une structure qui me permet d'être plus libre dans mes choix, en signant des gens comme DJ Blaqstarr.
Tu as beaucoup voyagé. Quels sont tes souvenirs de soirées les plus dingues ?
Les fêtes les plus barrées auxquelles j'ai assisté ont eu lieu... Hummm (hésitation) A Montréal pour commencer, ou le climat est très spécial, les gens sont vraiment déchaînés, peut-être parce qu'il fait froid dehors. J'ai d'excellents souvenirs en Afrique du Sud et en Australie car les gens sont tout simplement cool. En Australie par exemple, dans les clubs, tout le monde est complètement bourré. Pour ma première date, après la sortie de Florida, j'ai joué dans un gymnase et j'ai le souvenir d'une ambiance énorme !
C'est une sacrée expérience d'aller là-bas, grisante et étrange. J'ai aussi aimé jouer à Moscou. Les gens là-bas apprécient réellement ta musique. J'ai toujours pensé qu'ils avaient un certain retard musical mais les jeunes téléchargent et écoutent beaucoup de mes nouveaux titres en fait...
Ton nom est souvent associé à la baile funk alors que tu sévis dans bien d'autres styles musicaux...
C'est sans doute parce que je l'ai un peu trop affirmé à un moment ou le mouvement n'était pas trop connu aux États-Unis alors qu'il est né il y a plus de vingt ans au Brésil. La miami bass a contribué à réunir les deux styles et les gens ont pris conscience de l'importance du truc... Quand je suis allé au Brésil pour la première fois il y a cinq ans (...) j'avais découvert cette musique sur internet et sur des mixtapes mais ça m'intriguait tellement qu'il fallait que je me rende sur place. Vous avez également d'excellents producteurs de baile funk en France avec Kazey & Bulldog.
Article publié le 15 décembre 2008.
Auteur : @FrancoisChe
Photos : Mamzelle et Maviou