
Chromeo : Back in Business
Un album tous les trois ans, c'est la norme. Après She's in Control (2004) et Fancy Footwork (2007), Chromeo, l'un des groupes les plus excitants de cette dernière décennie, est de retour avec un troisième LP studio : Business Casual.
Quelques infos sur la couleur de scud avaient filtré avec la mise en ligne des clips de Night by Night, Hot Mess et Don't Turn the Lights On. Pas de révolution donc mais du concentré de Chromeo, pour les puristes. Loin d'expédier les affaires courantes, Dave 1 et P-Thugg prouvent une fois de plus que leur binôme électro funk est aussi bien réglé qu'une montre suisse. Qu'ils produisent pour les autres (cf Dave 1 sur le dernier Adam Kesher notamment) ou pour leur pomme, ils démontrent album après album qu'ils sont au dessus du lot. Ils ne se contentent pas de juste produire un track pour la forme, leur priorité est qu'il sonne moderne.
Actuellement en tournée, les deux compères étaient de passage à Paris le 18 novembre dernier, l’occasion pour nous d’aller leur poser quelques questions avant de monter sur scène. Rencontre avec P-Thugg. Dave 1 est excusé, jet-lag oblige.
Street Tease : Vous êtes de retour pour votre second concert parisien de l'année, Comment s’est passé le premier ? Comment vous abordez cette nouvelle date parisienne ?
P-Thugg :C’était super cool, le Point Éphémère est une petite salle, on voulait faire un petit amuse bouche, on savait qu’on revenait en novembre. Nous voilà de retour a guichet fermé. C’est toujours très important pour nous qui sommes francophones, de jouer en France. On a de la famille ici tous les deux, ça rend donc ces dates particulières.
L'album n’était pas sorti à l'époque, est-ce que vous jouez encore des morceaux des albums précédents ?
En fait, on joue 5 morceaux du nouvel album, et le reste des morceaux viennent des deux premiers.
La première chose qui frappe sur l'album c'est la richesse de la production, on sent une grosse progression par rapport à Fancy Footwork. Comment s'est passé la création de Business Casual ?
Pour nous, la vraie différence s’est faite entre le premier et le deuxième album. Notre son a évolué au fur et à mesure qu’on progressait. On est des potes de longue date (Dave & P étaient au collège ensemble ndlr), on a toujours eu des groupes ensemble, on cherchait un nouveau son, qui soit différent, on a cherché ce qu’on pouvait faire d’original en synthétisant ce que l’on connaissait.
Le premier album était un essai, fait avec 3 synthés, puis petit à petit, les dates et les rentrées d’argent se sont multipliées, et j’ai pu m’acheter de meilleurs synthés. On est maintenant à l’aise dans notre son, et donc on peut expérimenter, et enrichir nos compos.
"Les français sont nos cousins !"
Dave dit dans une interview que l'engouement autour Fancy Footwork vous a surpris et était au-delà de vos attentes, ça vous mettait donc pas mal de pression au moment de la composition du troisième opus. Comment avez-vous géré ça ?
On est perfectionnistes, donc forcément, la pression était déjà là entre le premier et le second, on se demandait si on allait pouvoir refaire un tube comme Needy Girl, où un funk comme So Gangsta. On s’est toujours imposé une certaine forme de pression mais le moment le plus difficile fut après le premier album. La pression vient une fois l’album terminé au moment de comparer les éléments et d'analyser si le résultat était à la hauteur de ce qu'on avait imaginé. Par exemple, à la fin de l'enregistrement de Business Casual on a décidé de faire When The Night Falls, en constatant qu’on avait pas de morceau dansant.
Chromeo, c'est aussi une histoire de rencontres, des collaborations avec Daryl Hall, Philippe Zdar, ou encore votre cousin français Mehdi. Sur Business Casual vous avez la sœur de Beyonce et La Roux vient de participer à une version de Hot Mess, est-ce le début des featurings ?
Tous les français sont nos cousins ! On connaît Mehdi depuis longtemps, avant qu'il ne signe chez Ed Banger. Le morceau avec La Roux s’est fait assez logiquement, Elly était fan depuis le début et on aime aussi beaucoup ce qu’elle fait. Ezra (Vampire Weekend) est pote avec Dave depuis Columbia, Armand Van Helden est un vieil ami, c’est moi qui l’ai matché avec A-Trak. Solange Knowles, la sœur de Beyonce, était une copine d’Alain (A-Trak ndlr), le frère de Dave.
Cet album est votre premier chez Atlantic, maison mythique du R&B notamment. Est-ce une fierté d’être signé sur une major ? Est-ce que ca vous rassure, ou ça ne veut plus rien dire par rapport à l’état actuel de l’industrie musicale ?
Pour moi, ça ne veut plus dire grand chose, on est signé uniquement pour les US sur Atlantic, (chez K7 pour l’Europe ndlr), en réalité l’industrie a tellement changé, que ce n’est plus comme avant. Il y a des inconvénients, ici c’est la distance qu’on prend vis à vis du management du groupe et des avantages, c’est une aide financière, bienvenue pour nous.
"Roger Trottman, Rick James, Prince, Phil Collins et Francis Cabrel !"
J’ai lu plusieurs critiques, qui vous collent l’étiquette "pop mainstream". Est-ce que ca vous dérange, vous qui venez de tout sauf de cela, et est-ce que selon vous c’est encore possible de faire de la musique "librement" en étant signé en major ?
Je pense que c’est faisable, du moins c’est ce qu’on essaye de faire, en étant prétentieux parfois dans les clichés qu’on empreinte. On reste les mêmes, on reste intègres par rapport à ce qu’on aime, on ne se prend pas au sérieux, on essaie de rester amusants, nouveaux, légers, c’est dans notre nature on ne pourrait pas faire autrement !
Vous déclariez récemment : "On aime être borderline, la limite entre ridicule et génie", l'illustration parfaite de cette phrase est le titre J'ai Claqué la Porte, votre première chanson à textes en français, c'est osé, super risqué, et en même temps ça reste crédible, le morceau rencontre un franc succès ici, est-ce que vous la jouez en live ? Est-ce que vous envisagez d’en faire un clip ?
Haha, On la joue pas encore en live, mais c’est mon track préféré de l’album, c’est notre première vraie en français, on a voulu faire de la variet’ façon B.O des 70’s, type Francis Cabrel teinté de Chromeo. Si on fait un clip, ca sera un peu comme celui de Momma’s Boy, avec la fin de nos économies ! On a déjà clippé Night by Night, Don’t Turn The Lights On, Hot Mess et on va clipper When The Night Falls.
Est-ce que c’était un exercice de style ou est ce que vous aimeriez le refaire ?
J’espère qu’on en aura l’occasion, mais comme les rencontres, et comme notre musique en général, malgré les clins d’œil et les clichés, il faut un minimum d’inspiration ! On verra !
Reverra t-on des remixes de Chromeo ?
Non. on est pas des remixeurs. Si tu commences à trop en faire, tu ne t’arrêtes plus, parce qu’il y a de l’argent puis ca devient lourd pesant, et un devoir ; Nous on l’a fait par plaisir, et a chaque fois parce que l’occasion nous était donnée par des amis. Par contre on adore se faire remixer et c’est super important pour nous !
"Tu sais ce que ce que veut dire "tease" en arabe ? Ça veut dire cul... Ce qui ferait cul de rue !"
Passons maintenant à une petite série de questions à la con...
Dre ou Timbaland ?
Dr.DRE
EPMD ou De La Soul ?
De La Soul
Georges Duke ou Georges Clinton ?
Georges Clinton
Nas ou Jay Z ?
Nas
Lupe Fiasco ou Lil’Wayne ?
Lil’Wayne
Daft Punk ou David Guetta ?
Pour emmerder les gens, David Guetta !
AC/DC ou Beethoven ?
AC/DC
Nina Simone ou Aretha Franklin ?
Aretha Franklin
Before ou after ?
Petits pas de danse, vrille sur toi même, t’es frais, donc Before. After t’as sué… C’est pas bon !
Long distance love, ou one night stand ?
Long distance love.
Live ou studio ?
Studio, car il n’y pas de live sans studio ! J’adore le processus de création, me retrouver derrière le piano, avec Dave à la voix, on a presque tout composé comme ca sur l’album. On a réussi le pari de faire moitié instruments/moitié programmation, et je crois que c’est un bon équilibre.
On organise une bloc party Street Tease, on vous charge de programmer 5 artistes, lesquels choisissez vous ?
Roger Trottman, Rick James, Prince, Phil Collins et hmmm (longue hésitation) Francis Cabrel !
Le mot de la fin ?
Ton mag s'appelle Street Tease ? Tu sais ce que ce que veut dire "tease" en arabe ? Ça veut dire cul... Ce qui ferait cul de rue !
Article publié le 2 décembre 2010.
Auteur : Corentin Grange
Photos : Tristan David
crédits photo : We Are TWL - le blog : wearetwl.blogspot.com