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Booba : « J'ai déjà dansé avec la mère de P. Diddy »

Booba est imposant. Une stature à faire pâlir n’importe quel pousseur de fonte. Mais pas seulement car il règne en maître absolu sur le rap français du haut de son 1m92. Le regard dissimulé sous sa casquette, n’allez pas croire qu’il vous toise, il est normal, il boit de la menthe à l’eau.
Si le jeu de la promo n’est pas son truc, il s’y prête volontiers pour défendre ce quatrième album. Ecorchant au passage Domenech et l’industrie du rap français, il prouve une fois de plus qu’il faudra bien monter sur ses genoux pour être sur le trône du hip hop français.
Le Duc est de retour. Tout simplement.

Street Tease : Ton album Lunatic est sorti le 22 novembre dernier, peux-tu nous en parler ?
Booba : J'ai enchainé juste après 0.9, y a deux ans. J'ai tout enregistré 70-80% des sons a Miami. J'ai un mec qui s'appelle Therapy, Sammy Bagdad, Nick Bz, un mec qui fait de l'électro. En général je travaille avec des gens que je connais mais il y en a qui cherchent à me contacter via la maison de disques. Les gens viennent de partout, sur cet album.

Avant tu étais chez Barclay, maintenant c'est Because.
C'est la même liberté. Le fait d'investir sur mes projets me permet de mieux les maîtriser.
On a écouté 8 morceaux avec l'impression que c'est un album plus personnel. C'est ce que tout le monde me dit, mais c'est pas voulu. C'est au feeling. Faut toujours innover dans un nouvel album. Après sur un morceau comme Ma Couleur, plus mélancolique, j'ai envie de parler de choses un peu plus personnelles et un peu plus sérieuses. C'est la musique qui me dicte ce que je vais dire.

Tu aimerais que les gens perçoivent cet album de quelle manière ?
J'aimerais que les gens qui l'écoute puissent aller au delà des conneries que je peux dire. En essayant de chercher le pourquoi, parce qu'il y a toujours un sens à ce que je peux dire dans mes textes. A propos de provocation, le morceau Caesar Palace commence par "Fuck you, Fuck la france, Fuck Domenech"...
Fuck you, c'est l'arrogance gratuite. Cela s'adresse à mes détracteurs. Fuck you toi qui m'aime pas. Fuck la France parce que c'est un pays très fermé d'esprit, très peu tolérant à mon sens. C'est un pays qui va mal. Et Fuck Domenech parce qu'ils nous a mené à la honte en Afrique du Sud, et c'est de sa faute.

Mais quand on s'appelle Booba, c'est pas un peu facile de taper sur Domenech, comme 60 millions de français ?
Facile ? Mais il a que ce qu'il mérite. Je comprends même pas pourquoi il était encore sélectionneur de l'Équipe de France. Il fait sa feuille de match avec l'astrologie... Si le mec n'a pas toute la confiance de ses joueurs, et c'était le cas, c'est terminé. C'est la Coupe du Monde, c'est pas inter-cités.

Pour en revenir à ton album, il y a Akon, T-Pain et Ryan Leslie.
Oui. Akon je l'ai rencontré dans un studio et je lui ai proposé un son, tout simplement. Il y a également P. Diddy, au début de Caesar Palace et T-Pain que je ne connaissais pas. Alors, j'ai contacté son manager. Et enfin Ryan Leslie avec qui j'avais fait Diamond Girls, il y a quelques années. Il est venu avec un son et un featuring sur cet album. Tout est enregistré, sauf celui avec Akon.

On t'a entendu sur un morceau du nouvel album de P. Diddy, Last Train sur le morceau Hello Good Morning. Tu peux nous raconter ?
Je le connaissais déjà, ils m'ont juste appelé, cela s'est fait naturellement. J'ai simplement posé sur le morceau en prenant ça comme un échange international.

« Fuck Domenech parce qu'ils nous a mené à la honte en Afrique du Sud. »

Comment ça se passe avec P. Diddy ?
J'ai l'habitude de le côtoyer, je suis pas impressionné. J'ai déjà dansé avec sa mère à son anniversaire.

Maintenant tu habites à Miami, pourquoi ?
Pour la culture hip hop, les sneakers, le climat. Je suis entre la France et Miami en fait. Je reviens à Boulogne pour la famille, les amis et le travail aussi. Cela fait deux ans que j'y suis maintenant.

Tu n'es pas tenté de faire un album en anglais, depuis que tu es là-bas ?
Non. Je ne suis pas assez calé pour écrire des textes en anglais, je serais limité. Je sais le faire, mais je suis moins à l'aise.

Un site internet d'extrême droite critique Caesar Palace, ca te touche ?
Je ne fais pas attention du tout. Ça m'étonne pas. Les critiques de ces gens là, ca ne me touche même pas.

Tu continuerais à faire tapiner la bande à Sarko ?
(il rigole) Non j'en parle plus de ça. C'est terminé, il a été élu. On peut plus rien faire.

Sexion d'Assault qui refuse de faire la première partie de Jay-Z, ca t'inspire quoi?
Je ne connais pas le pourquoi du comment. Si c'est une question de faire les balances, je l'aurais fait. C'est rien de pas faire de balances. Si tu peux pas en faire, il y a une raison.

Quel regard tu portes sur la scène actuelle ?
C'est un peu compliqué. Le rap game est faussé, très peu de gens passent sur la grande radio rap. C'est très dur de faire du rap, d'exister, être en radio et faire des disques. Surtout pour ceux qui débutent. Se faire connaître, c'est compliqué et il faut être le meilleur. Pour moi, à l'heure actuelle, il faut faire un morceau de tueur, le faire jouer partout. C'est la crise, il faut faire de la qualité. Les arnaques et escroqueries ne marchent plus. Soit tu es très très fort, soit tu fais une banane radiophonique, et ça passe.

Tu écoutes quoi en ce moment ?
Je n'écoute pas trop de rap français. J'aime bien le nouveau Kanye West, Runaway. Le nouveau morceau de 50 Cent et Soulja Boy aussi. Évidemment, Rick Ross, le Dipset avec Cam'ron et Jim Jones.

On se disait que tu étais l'un des plus fort en punchlines. Parmi toutes celle que tu as pu écrire, quelle est celle dont tu es le plus fier ?
(il rigole) Merci. Je ne sais pas laquelle je préfère, j'en ai tellement. Dans mon dernier album, sur le morceau Jour de Paye, j'aime bien la conclusion du morceau où je dis : " Ils se souviendront de nous, je vais régner assis négro, je veux mourir debout, sur le podium il n'y a que nous. Tu veux t'assoir sur le trône faudra t'assoir sur mes genoux." Elle est pas mal, celle là. Elle est classe, c'est du Jules César. J'en ai des vulgaires, des sales, celle là est glorieuse et bien imagée. Dans Jour de Paye j'ai des punchlines toutes les quatre mesures. Quand je réécoute du Panthéon ou Temps mort, il y a des phases que j'ai oublié. J'en sors tellement des conneries que je ne sais plus.

« je suis pas impressionné par la mère de P. Diddy. J'ai déjà dansé avec sa mère à son anniversaire.

Tu travailles beaucoup sur tes paroles ?
Je fais que ça, c'est le cœur du truc. J'ai pas de thème particulier parce que je m'ennuie. Je n'aime pas être enfermé dans quelque chose. Dans mon travail, c'est soit un titre de morceau qui m'inspire, soit j'ai une idée précise en tête et j'écris ensuite. Je note beaucoup de punchlines dans mon téléphone, et je construis mon couplet autour d'elles. Ça me vient comme ça, comme des blagues, des vannes. Parfois j'ai une phrase, il me faut une rime. Alors je cherche les mots qui vont rimer. Alors parfois cela donne des trucs incohérents.

Comme La chatte à ton père ?
(il rigole) Ouais voilà. Ça c'est des insultes, mais parfois y a des choses comme ça, où il n'y a que ca qui rime.

Tu as des concerts de prévu.
Oui en Belgique, et en France je veux faire Bercy. Pour moi c'est logique. J'aime les grosses scènes. J'aime bien faire un show en mettre plein la gueule. Entre Bercy et les petites salles, c'est comme regarder un film dans ta chambre et un film au cinéma. Je me sens proche de mon public dans les grandes salles.
Mon adrénaline c'est d'entendre les gens crier et chanter ma chanson. Dix mille personnes qui gardent la pêche en même temps, c'est les arènes. Comme un gladiateur.

Tu y vas souvent en temps que spectateur ?
Pas ici. Le dernier concert auquel je suis allé, c'était un plateau avec Sean Paul, Lloyd, Young Jeezy et T.I à Miami. J'ai vu Lil Wayne aussi. J'aime bien les concerts. J'aime tout. Voir un artiste performer en live, cela provoque des sensations. J'y vais souvent quand j'ai des plans parce que je suis un peu fainéant. Acheter des places, la queue...
Mais je peux aller dans un sound system et apprécier un mec seul au micro. Cela dépend de l'artiste.
Mon meilleur concert c'était en Martinique sur des planches en bois. Un concert avec de l'émotion et soixante-quatre impacts de balles dans le plafond. Ça a remplacé les arènes. C'était le feu. Je ne m'entendais pas pendant le concert. Ils tapaient sur la tôle dans une ambiance jamaïcaine. Les mecs venaient avec leurs fusils et ils tiraient. J'étais prévenu, mais c'est une autre culture et l'ambiance était mortelle.

C'est un exercice que tu aimes bien la promo ?
Des fois c'est bien, des fois c'est chiant. C'est un truc auquel tu ne t'attends pas et qui n'a rien à voir avec l'artistique. Je ne cherche pas à faire toutes les émissions, tous les magazines, mais c'est intéressant.

Tu as le sentiment d'être arrivé au top niveau, aujourd'hui?
Je suis assez haut, mais je peux toujours faire mieux. D'ailleurs quand je réécoute mes anciens albums, j'ai le sentiment d'avoir progressé.

Basket préférée et pointure.
La Jordan 1 et la 6. Je fais du 46. J'aime bien la Air Force One, c'est pas ma préférée mais c'est un classique. J'ai vu que sur Nike ID on pouvait faire des Jordan 1.

Tu n'aimes pas les coloris originaux ?
Si, mais c'est pour les collectionneurs de baskets. Moi, tout ce que je veux, c'est qu'elles soient neuves. Après moi aussi je critique la nouveautés sur les Jordan. Les nouvelles Jordan, je n'aime pas.

Tu as combien de paires de baskets ?
Je sais pas mais j'en ai beaucoup. Ici, aux Etats Unis. J'en ai même une pièce remplie.
J'aime toutes les baskets. J'en ai tellement que je suis obligé de les laisser dans les boites. Pour les Jordan, parfois je les achète en double. J'aime les Nike, des Creative Recreation... J'ai des Converse mortelles qui ressemblent aux Blazer, je ne les ai jamais mises encore. J'aime pas trop Reebok et New Balance, par contre. De toutes façons c'est Nike, ça sera toujours numéro 1.

Comment tu choisis tes baskets pour tes clips ?
Ca dépend. Surtout au coup de coeur. Souvent ce sont celles que je ne vais jamais mettre. Sur un clip, je suis certain de ne pas les abîmer.

Entretien réalisé le 25 janvier 2011

Auteur : Amandine
Photos : Droits Réservés

Interview également disponible dans le dernier numéro du magazine Shoes Up