Revues

Julien Cadou aka EARL : « Batman, c'est un PD ! »

Embarquez pour un voyage, dans les arcannes de la création, pour découvrir un artiste à l’humour féroce et à la sensibilité affûtée.

Le nom de Earl résonne d’abord comme un refrain des nineties. A une époque où le graffiti underground avait encore du sens, Earl avait su imposer avec son tag incisif, son style simple et efficace bien au delà des frontières de la capitale. Mais aujourd’hui, peu de gens savent qui se cache réellement derrière l’image du légendaire graffeur.

Une armée de créatures

Une petite visite à Earl, aka Julien Cadou, s’imposait donc afin de percer le mystère. Au premier contact, il m’apparaît d’abord comme un gros bonhomme à l’allure et au parcours intimidant. Puis, en découvrant son univers, emportée par la chaleur de son discours, je découvre peu à peu un autre personnage. C’est avec passion et pas mal de modestie, dans son laboratoire parisien grouillant de créativité, qu’il nous dévoile ses nouvelles occupations artistiques : Aujourd’hui, je suis graphiste et plasticien comme beaucoup d’autres.
Nous sommes alors loin des lourds clichés qui règnent sur le monde du graffiti.
« Earl et Dans Ma Tête n’ont rien à voir, ce sont deux personnages différents » affirme-t-il. Julien désire maintenant montrer son travail personnel d’illustrateur, mais aussi de sculpteur céramiste qui fait de lui un potier d’une nouvelle génération. Il a pour cela crée Dans Ma Tête, un nom qui fait office de nouveau pseudo, de marque de fabrique, mais aussi d’incitation pour découvrir le concept de son site Internet, fraîchement conçu.

Une armée de créatures de terre peuple, en effet, son univers. Julien avoue avoir accouché de ses monstres un à un, au fil des années.
« Au départ, les créatures je ne les faisait que pour moi, mais à force de les montrer et que ça plaise je me suis dit que je pouvait peut-être en faire quelque chose. »

un regard franc, drôle et sensible

Je me rends compte alors, que nous sommes entourés de monstres de toutes sortes, qui nous observent d’un air hilare depuis tout à l’heure ! Dans les pensées de Julien les super héros sont bedonnants : Elvis a gobé trop de produits, et la Vierge Marie à liquidé en douce le vin de messe ! Quand aux « lapinosaurs », aux renards et autres bêtes à poil qui hantent les lieux, je vois bien qu’il sont bidonnés par mon petit air coincé...
La série des super-héros est assez significative, elle illustre la mouvance comics des années 90, mais y porte un regard cynique, grotesque et bourré d’humour féroce.
Il représente Batman et Robin se tenant la main, idiots, et maladroits en référence à Terry Richardson, dont il avait trouvé l’exemplaire d’un livre de photos lors d’un de ses premiers voyages à New York.

En nous dévoilant cette terrible collection, l’artiste nous ouvre les portes d’un monde d’une intelligence provocante dans lequel les monstres, les héros, et les icônes de notre enfance sont le reflet de la nature humaine. Avec ses nains de jardins modernes, nés du besoin instinctif de s’exprimer, il nous livre un regard franc, drôle et sensible sur notre société et nous renvoie directement à nous même.
« Ma manière de travailler est très instinctive, je pense à un truc et je lui donne vie. C’est en créant sur le moment que mon idée prend de la force. » La vision est très moderne mais la fabrication reste traditionnelle, et rappelle un véritable rituel de création ancestral. Comme une bête à qui il donne vie.
« J’essaie de dépenser le moins d’argent possible dans mes créations et je récupère le plus de matériaux possible. » Rien à voir avec le look lissé et propret des toys du moment. Ici on est dans la réalité des choses. Partez voyager dans la tête de ce créateur et vous n’aurez plus peur de vous regarder en face.

Rencontre publiée le 28 octobre 2007.

Auteur : Marlène
Photos : Mpy Was Here

jcearl.com