Orgasmic : « Fuzati rappait au téléphone pour l'émission de radio “Vague Nocturne” »

Street Tease :Quel est ton background musical ?
Orgasmic : J’ai commencé à faire des compiles de rap East Coast et de R&B sur cassette vers 95-96, à partir des émissions radio que j’écoutais. Je me suis intéressé à la culture DJ avec des émissions comme Mo Bass sur Radio Libertaire, orchestré par LBR, le Cut Killer Show, les tapes de Poska... C’est mon premier contact avec le mix. En fait, LBR m’a vachement inspiré car il faisait son émission pendant 2-3 heures et ensuite il y avait un mix en continu qui n’arrêtait pas de repasser. C’était super bizarre mais il pouvait se le permettre, étant sur une fréquence libre et du coup il passait tous les styles de Black Music. Il m’a fait découvrir trop de groupes, les grosses nouveautés mainstream comme des labels surpointus. J’écoutais une autre émission sur le 106.3 qui s’appelait Vague Nocturne ou les gens appelaient pour rapper, ce qui a donné lieu à la première apparition discographique de TTC puisqu’une compilation est née. C’était un morceau avec La Caution et Naja, futur membre du B.O.S.S.

A quel moment a lieu la rencontre avec Tékilatex, Cuizinier & Co ?
J’ai d’abord rencontré Téki à l’âge de 14 ans qui était déjà passionné de musique, il avait son groupe de rap au Lycée et connaissait par cœur les programmes de MTV. Ensuite, j’ai rencontré Cuizi, simplement parce que c’était son cousin. Pour ma part, je n’étais pas à l’école avec eux car j’avais déménagé à Versailles, ce qui m’a permis de rencontrer Fuzati. D’ailleurs Fuzati rappait aussi au téléphone dans Vague Nocturne, mais sous un autre pseudo en disant qu’il était du Chesnay. Mais quand tu connais le coin, c’est pas vraiment mieux que Versailles, sans rentrer dans le détail Yvelinois (rires).

« Je crois pas que ce soit Neptunes ou Timbaland qui ont dicté leur loi. Je pense plutôt que c’est Lil’ Jon qui est revenu à l’essence du truc, avec 3 notes et une boîte à rythmes. »

Comment tu t’es retrouvé derrière les platines au sein de TTC ?
Téki m’a écrit un texte un jour, il voulait que je rappe et finalement ça ne s’est jamais fait. Mais j’étais plus attiré par les sons, la production et le mix surtout. Même si pour la production, au début, je faisais ça en dilettante pour le Klub des Loosers, j’achetais encore beaucoup de vinyles, on faisait pas les instrus de la même manière, c’était encore la période du rap « à boucles », un délire de digger des boucles de beats que tu mélangeais avec des basses. On s’était éloigné des boîtes à rythmes et des samples inspirés de la musique électronique.

Il y a un retour aux sources évident en matière de production, vers plus d'efficacité, selon toi qui est à l'origine cette nouvelle donne ?
Je crois pas que ce soit Neptunes ou Timbaland qui ont dicté leur loi. Je pense plutôt que c’est Lil’ Jon qui est revenu à l’essence du truc, 3 notes et une boîte à rythmes. T’as pas besoin de plus pour rapper et je pense d’ailleurs que c’est la raison pour laquelle les rappeurs du Sud ont pris le dessus sur les autres. Si tu regardes le Billboard depuis 4 ans, Il ont influencé tout le monde, aujourd’hui Fat Joe rappe comme Rick Ross. Ca laisse plus de place pour le flow vu qu’il y a plus de place sur les beats, c’est beaucoup moins touffu et pleins de boucles qu’avant. Même dans le R&B, avec des mecs comme T-Pain et ses refrains chantés, c’est plus l’instru qui se cale sur son flow que l’inverse.

Tu prépares actuellement la prochaine Tape avec Cuiz, peut-on en savoir un peu plus ?
C’est le dernier volume de la trilogie « Pour Les Filles ». Cuiz a bien évolué et ça va être hyper surprenant pour les gens je crois. Il y a moins de Faces B, de tracks produits par d’autres et plus de remixes de trucs un peu idiots et de morceaux inédits pour la tape. La tape sort le 12 mai et on fait le mastering la semaine prochaine. C’est un peu la tape de la maturité (rires). Je suis hyper content de cette tape, elle clôt en beauté la trilogie. Au passage, je précise qu’en attendant la tape, sur le blog de Genevan Heathen, chaque lundi, dans le cadre des Cuizinier Mondays, on donne des indices sur le contenu du disque.

Tu peux nous parler de l’actualité de Stunts, la section rap d’Institubes ?
So Fresh Squad sort son premier EP dont un morceau figure sur la tape de Cuiz. Je pense que ce morceau a un potentiel radiophonique énorme. C’est très différent de TTC, ce sont des mecs qui ont leur propre identité, super inspirés par la musique d’Atlanta -d’ailleurs Desmon y vit maintenant- et je pense que ce sont les premiers en France à faire un truc sincère et inspirés par cette musique. Young Pulse est également un producteur à surveiller de près car il sait faire sonner le truc comme les gars de là bas, même en bossant sur Reason, il a vraiment la culture de ça et il l’a pas découvert il y a 2 mois… C’est un mec de 21 ans, ultra jeune qui selon moi a un don pour la musique, il sait produire un morceau et je pense qu’il peut réaliser un album. C’est un vrai EP de rap avec des interludes, un son super direct qui te va droit dans la gueule, sans concessions.

C’est la première vague de rappeurs français directement influencés par les productions Dirty South…
Les gens du rap français ont enfin accepté la prédominance du rap du sud car ici et surtout à Paris, les gars ont toujours été super attachés au rap New Yorkais, « la Mecque du Hip Hop », l’Age d’or… Et les mecs veulent pas lâcher le truc ! C’est pas grave si on achète pas des Air Max de l’époque, on peut aussi acheter des nouvelles Premium super belles ! J’adorais ce teesh de Rated Rookies « Leave Michael Jordan and Wu Tang Alone » Je respecte que des gens soit hyper attachés à cette culture mais juste ne dénigrez pas le reste. La plupart des gens ne tolèrent pas l’évolution, le fait qu’il y ait des mecs plus jeunes qu’eux avec des goûts différents. Des gens vont me détester parce que je dis ça mais moi c’est pas mon cas, je respecte les conservateurs (rires).

Entretien publié le 18 avril 2008

Auteur : @FrancoisChe
Photos : Mpy Was Here