
Krazy Baldhead : « Je ne donne pas dans la French Touch 2.0 »
Comme le titrait récemment un magazine, Krazy Baldhead est sans doute le secret le mieux gardé d'Ed Banger. Moins médiatisé que le reste de la Busy P familly, The B-Suite justifie à lui seul sa signature sur le label parisien. Le producteur marseillais n'évolue pas dans un registre maximal, son univers électronique largement influencé par le jazz offre une perspective rafraichissante à l'heure ou la turbine fait rage sur les pistes de danse. Une position en retrait qui lui convient si bien, hyper concentré sur l'artistique, insensible à la hype, le discret Pierre-Antoine Grison surprend avec un disque à tiroirs, dévoilant ses charmes au compte-gouttes.
Addictif comme une bonne bouteille de pif.
Street Tease : Peux-tu me définir ta musique en quelques mots ?
Krazy Baldhead : Le groove est mon fil conducteur, sans tomber dans les basses saturées. J'aime le genre de disque qui n'est pas évident à la première écoute, ou tu découvres des nouveaux trucs à chaque fois.
II y a quatre featuring sur The B-Suite, comment as-tu procédé pour choisir les artistes avec lesquels tu voulais travailler?
C'est très lié à des histoires personnelles. Pour Tes, j'avais déjà réalisé mon premier featuring avec lui, donc le choix était assez évident. J'avais remixé un morceau d'Outlines sur lequel figurait Beat Assailant. Ce sont des personnes avec qui j'avais déjà été en contact et dont j'aimais bien la direction, le son. J'aime bien le hip hop en japonais, je trouve ça mortel. Je suis parti l'an dernier en tournée au Japon avec Vicarious Bliss. De là-bas, j'ai envoyé un mail à Pédro Winter pour savoir s'il connaissait des rappeurs japonais avec qui je pourrai faire un morceau (Katana Powa avec Mademoiselle Yulia et Big O aka Phenomenon). J'ai enregistré un morceau dans un studio à Tokyo.
"J'aime le genre de disque qui n'est pas évident à la première écoute, ou tu découvres des nouveaux trucs à chaque fois."
Quel matériel as-tu privilégié pour la confection de ton disque ?
Mon séquenceur principal est Live d'Abbleton, je fais quasiment tout dessus. Après, j'ai quelques plug in dont un sampler Compact que j'utilise beaucoup. A côté de ça, j'ai des synthés, un Moog, un Korg, des guitares. La plupart du temps, je me sample moi même en train de jouer. Ça part un peu dans toutes les directions, j'ai pas vraiment de technique privilégiée.
Parle moi du fil conducteur de l'album, il t'a fallu un peu de temps pour convaincre ton entourage du bien fondé de ta démarche...
Je me suis inspiré de Sherazade de NiKolaï Rimski-Korsakov, c'est un morceau que j'écoute depuis hyper longtemps et j'avais envie de reprendre le même schéma de progression. Pédro est le seul à avoir écouté le disque pendant la confection, il était un peu sceptique au départ sur l'idée des quatre mouvements comme tous les gens à qui j'en avais parlé. Mes deux premiers maxis se sont fait connaître via leurs remixes et je voulais faire un truc qui tienne la route et qui soit 100% Krazy Baldhead.
Combien de temps as tu travaillé sur cet album ?
J'ai commencé à bosser sur mon disque en mars l'an dernier pour le terminer en novembre, ça m'a pris environ 6 mois avec des périodes plus ou moins productives. Je bosse souvent sur plusieurs morceaux à la fois, il me faut en moyenne 15 jours pour produire un track.
"J'ai pas le temps d'exprimer tout ce que je veux sur 3 morceaux. Sur un album, j'ai plus le temps d'explorer chaque idée, de les exploiter, c'est un format qui me correspond mieux."
Au moment de signer chez Ed Banger, ton objectif prioritaire était il de produire un album ?
Par rapport à d'autres artistes sur Ed Banger, le format maxi ne me convient pas trop. L'album est selon moi, le format idéal pour ma musique. Je pense que c'est pour ça que mes deux premiers maxis n'ont pas super bien marchés, sans être une cata, ce ne sont pas les plus grosses ventes d'Ed Banger. J'ai pas le temps d'exprimer tout ce que je veux sur 3 morceaux car j'ai tendance à vouloir mettre beaucoup trop de choses. Sur un album, j'ai plus le temps d'explorer chaque idée, de les exploiter, c'est un format qui me correspond mieux.
Comment expliques-tu cette sous exposition médiatique par rapport au reste de la famille Ed Banger ?
Je suis pas dans la french touch 2.0, c'est pas mon son, j'ai pas spécialement envie de me raccrocher à un train qui est déjà parti depuis bien longtemps. Mais sur le fait que je sois moins exposé, je n'ai pas de réponse, il faut demander aux gens. En plus de ça, je ne suis pas DJ, je joue mes trucs à moi qui sont un peu plus tordus. Je cherche pas à m'inscrire dans cette mode là, tout en respectant à 200% tous les artistes du label.
Paradoxalement, tu es un des premiers artistes à avoir signé sur le label ?
J'ai été drafté en en quatrième position, pour être précis. J'avais un son différent qui a quand même des points communs avec les autres artistes du label, notamment l'ambiance hip hop et les basses un peu grasses. Simplement mon influence jazz est assez prononcée et ça apportait une couleur différente.
"Je suis pas dans la french touch 2.0, c'est pas mon son, j'ai pas spécialement envie de me raccrocher à un train qui est déjà parti depuis bien longtemps."
Quels sont les sons que tu écoutes en ce moment ?
Je pourrais citer Alex Gopher comme influence, je crois que c'est l'artiste électro français que j'ai le plus écouté. Autrement quand j'écoute de la musique, c'est plus pour me détendre, ce sont des trucs que j'aime depuis longtemps donc du jazz des années 60, de la soul. Le dernier concert qui m'a marqué, c'est Wayne Shorter au festival du Parc Floral, un mec qui a plus de 60 ans fait toujours des trucs super frais et prend des risques maximum.
Quelle est ta configuration sur scène ?
Je suis tout seul sur scène derrière mon ordi et passer des heures à bidouiller des sons pour obtenir une certaine texture, c'est très compliqué à faire en direct. Il y a certaines parties que je rejoue en live ou des rythmiques que je compose. J'ai pensé à faire un live avec un groupe mais c'est beaucoup de temps pour un rendu qui reste avant tout de la musique électronique et non du jazz.
Ton sentiment sur l'artwork réalisé par (le graphiste maison) So Me ?
Je lui ai fait des suggestions, en lui donnant quelques pistes et je lui ai demandé de faire un truc différent et c'est ce que j'aime chez lui, cette sa faculté de constamment se renouveler.
Quelles sont tes attentes par rapport au disque ?
Je suis agréablement surpris car j'ai l'impression que les gens comprennent le concept et les choses que je voulais dire. Quelque chose d'ambitieux mais en même temps assez abordable en exploitant quelques thèmes de manière différente. J'espère que les gens vont l'écouter sans attendre du Justice ou du Sebastian car c'est pas ça que je fais.
Auteur : @FrancoisChe
Photos : Droits Réservés