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Jason Lytle : « Le split de Grandaddy était inévitable »

Nous sommes fin janvier 2006. L'info tombe, tel un coup de massue. Grandaddy n'existe plus. Jason Lytle ne supporte plus la pression qui consiste à porter un groupe entier sur ses frêles épaules depuis sa création en 1992, lorsque cinq barbus influencés par Electric Light Orchestra et les claviers de Philipp Glass ont eu l'ambition de devenir les Beach Boys de l'indie rock et non une pâle copie de ZZ Top.
Après quatre merveilleux albums studio, Jason Lytle, ex-skateur pro reconverti en songwriter génial continue l'aventure en solo. L'ex-grand père a besoin de grands espaces et de nature. Il quitte Modesto (Californie), pour s'installer au milieu des montagnes, dans le Montana. Après une longue thérapie à base de randonnée et d'air frais, Jason se taille la barbe et revient avec Yours Truly, The Commuters, son premier solo. Le nouveau Lytle est arrivé, moins de Bontempi et de guitares saturées mais toujours ce savoir faire mélodique propre au californien. Un excellent disque pour les beaux jours.

Street Tease : Es-tu heureux dans ta nouvelle vie ? Tu as quitté Modesto, ta ville de toujours pour emménager dans le Montana, c'est un nouveau départ pour toi. D'une part au niveau artistique puisque tu as quitté Grandaddy mais aussi dans ta vie de tous les jours puisque tu vis aujourd'hui dans un espèce de no man's land, entouré par les montagnes, les lacs et la forêt...
Jason Lytle : (après une bonne minute de réflexion) C'était nécessaire, il était temps pour moi de partir, j'étais arrivé à un stade de ma vie ou j'avais besoin de changement. Aujourd'hui je vis dans un endroit calme, je suis entouré par les montagnes, je peux vivre dehors. C'est bon pour mon esprit.

Tu as posté des paysages sur ton site, on te voit beaucoup en extérieur...
C'est excellent, je peux travailler dans mon studio, resté concentré et quand j'arrête, je peux aller dehors pour m'évader.

Le Montana, c'est le meilleur endroit si tu veux être seul et te prendre pour le mec d'Into The Wild ?
C'est également le bon endroit pour rester à la maison aussi. (rires)

« Je suis devenu accro au simple fait de vivre en extérieur, juste pour profiter des paysages et faire de la randonnée. »

A quoi ressemble une journée normale pour toi ?
Ça dépend de l'humeur du jour. Je suis devenu accro au simple fait de vivre en extérieur, juste pour profiter des paysages, faire de la randonnée. C'est très compliqué de rester enfermé dans le studio alors que tu pourrais être dehors, donc je travaille vite pour profiter du beau temps.

Tu fais toujours beaucoup de skate ?
C'est pas évident car il neige beaucoup dans le Montana mais il y a une rampe couverte à proximité de chez moi. Avant de venir en France, j'ai fait une petite tournée, on a roulé jusqu'au Texas, où il fait nettement plus beau et j'en ai profité pour skater. Je fais pas mal de ski également, du VTT, j'adore ça autant voir plus que de faire de la musique (rires). C'est une des raisons pour lesquelles j'ai changé de vie, pour pouvoir profiter des activité en extérieur.

Ce n'était pas possible à Modesto ?
La population est trop importante, Modesto est devenue surpeuplée. Si tu regardes le Montana sur une carte, tu ne verras que du vert, des forêts partout alors que la Californie ce n'est qu'une succession de villes, c'est très urbain. Dans le Montana, tu peux vivre dans une ville à dimension humaine, profiter des avantages de la ville et être tout proche de ce que j'aime, les paysages, le calme. Ça me correspond bien.

Combien de temps ça t'a demandé de produire ton premier disque solo ?
Dans les 6 mois, c'est difficile à dire précisément car j'ai fait pas mal de breaks pendant l'enregistrement.

Tu avais un plan précis dans ta tête ?
J'ai travaillé sur ce disque chanson par chanson, chaque chanson a son propre modèle. J'envisage chaque morceau individuellement sans me soucier de l'ensemble. Peut être que cet album est moins sombre et désespéré que les précédents ou je semblais dire : "Aidez moi !". Je crois que j'ai comme une horloge interne qui me disait : "c'est le moment de faire un disque Jason !" J'avais vraiment besoin de faire un break. C'était dur à la fin de Grandaddy, je n'étais pas sûr de ce que je voulais faire, l'avenir était incertain. J'en suis ressorti plus fort.

Tu était déjà le compositeur principal à l'époque de Grandaddy, as-tu changé de mode opératoire pour la confection de Yours Truly, The Commuters ?
Je crois pas que ce soit si différent de réaliser un album pour Grandaddy ou un solo. J'ai enregistré mon disque de la même façon que les précédents. La principale différence concerne peut être la batterie car habituellement j'avais besoin d'Aaron (ex-batteur de Grandaddy ndlr) pour les sections rythmiques car il est un excellent batteur, bien meilleur que moi et là c'est moi qui ait joué. C'était un défi pour moi, si je faisais un album solo, je devais tout faire tout seul ! Du coup je peux le dire, c'est un véritable album solo.

Étes vous toujours potes avec le reste du groupe ?
Pour la plupart oui, je suis très heureux pour Jim (Fairchild, ex-guitariste du groupe ndlr) qu'il ait sorti son disque en solo car par moment, il manquait de confiance au sein du groupe, sur sa capacité à chanter et à composer. C'était très bon pour sa confiance de sortir ce disque. Il est très occupé, il joue de la guitare pour Modest Mouse. Le reste du groupe vit encore à Modesto et y vit plutôt bien excepté Jim et moi même, Jim est en permanence on the road.

Tu as toujours voulu tout maitriser, la composition, l'enregistrement et même la réalisation des pochettes du groupe...
J'ai toujours réalisé les pochettes, c'est naturel selon moi de réaliser l'artwork, au delà du disque, quand tu es connecté au disque que tu viens de produire. Quand je suis dans mon studio, avec tous mes instruments. Quand je fais de la musique, je pense toujours en terme de visuel, d'image, les deux choses sont très liés dans ma musique. Quand je compose, j'essaye de toujours avoir une idée de ce à quoi ça peut ressembler, j'essaye de me fixer une image dans ma tête, comment lier les instruments entre eux. Le visuel et l'audio sont combinés, dans mon esprit, ça tombe sous le sens.

Grandaddy avait une fanbase importante en France, sais-tu à quel point votre séparation a rendu vos fans bien tristes ?
C'est quelque chose qui devait arriver, je pense que c'est mieux comme ça, c'était nécessaire pour continuer. Si les gens sont tristes car Grandaddy s'est arrêté, ils auraient été encore plus tristes de voir comment le groupe aurait évolué vers de la mauvaise musique. A un moment donné, tu ne peux pas faire de la bonne musique quand il y a trop de misère. Les choses devaient changer.

Entretien initialement publié le 4 mai 2009.

Auteur : @FrancoisChe
Photos : Droits Réservés